Date de publication du RFC : Novembre 1996
Auteur(s) du RFC : Kim Hubbard (InterNIC Registration Services), Mark Kosters (InterNIC Registration Services), David Conrad (Asia Pacific Network Information Center), Daniel Karrenberg (RIPE NCC), Jon Postel (USC/Information Sciences Institute)
Première rédaction de cet article le 10 février 2008
Les règles d'affectation des adresses IP sont un des sujets chauds (ou qui devraient l'être) de la gouvernance de l'Internet. Comme toute ressource critique et limitée, sa gestion fait l'objet d'âpres débats. Ce RFC est le seul qui parle de cette gestion, domaine réservé des RIR. (Il a depuis été remplacé par le RFC 7020.)
Ce n'est pas l'IETF mais le groupe des
RIR existants à l'époque qui a écrit ce RFC. Une
note de l'IESG en tête précise d'ailleurs que
ce RFC documente une politique, sans forcément l'approuver. En effet,
les politiques d'attribution des adresses IP sont actuellement
entièrement gérées au sein des RIR, même si des organismes comme
l'ICANN ou, plus récemment,
l'ITU ont parfois essayé de s'en mêler. Mais
pourquoi des décisions aussi techniques que l'attribution des adresses
du bloc 192.0.2.0/24
devraient-elles poser des
problèmes politiques ?
Il y a deux problèmes avec ces adresses : l'un est la taille limitée du registre. Si un protocole prévoit huit bits pour un champ indiquant une option, cela ne laisse que 256 valeurs possibles et l'organisme qui gère ces valeurs (l'IANA pour les protocoles Internet) doit les attribuer avec prudence, pour ne pas épuiser trop tôt la ressource. Or, les adresses IPv4 étant sur 32 bits (quatre milliards de valeurs), on ne peut pas en affecter une à chaque habitant de la planète. En pratique, il y a même moins de quatre milliards d'adresses possibles, en raison du facteur H (expliqué en RFC 1715 et RFC 3194). IPv6 résout complètement ce problème, avec ses adresses sur 128 bits.
Mais il existe aussi un autre problème : les préfixes d'adresses IP sont manipulés par les routeurs, échangés avec le protocole BGP (RFC 4271) et stockés dans les tables de routage desdits routeurs. Il existe des limites, aussi bien à la taille de ces tables (les routeurs de haut de gamme n'utilisent typiquement pas de la mémoire standard mais des ASIC spécialisés, très rapides mais plus limités en taille), qu'à la quantité de données échangées en BGP si les tables grossissent « trop ». La controverse technique fait rage entre certains gros opérateurs acharnés à limiter la taille des tables de routage et certains utilisateurs qui pensent que les limites ne sont pas purement techniques et que le désir de limiter la concurrence entre opérateurs joue également un rôle (voir par exemple le RFC 4984 pour une passionnante discussion sur le sujet).
Cela explique que gérer des adresses IP ne soit pas une tâche purement administrative d'enregistrement. Les RIR, émanation des opérateurs Internet, ont donc des politiques d'allocation, qui sont en IPv4 très restrictives, et qui le deviendront encore plus au fur et à mesure que la pénurie s'aggrave.
Ce RFC, qui succède au RFC 1466, décrit ces politiques, dans leurs grands principes (les politiques précises sont décrites sur le site Web de chaque RIR, elles changent assez souvent). Sa section 1 pose les buts, qui découlent des problèmes décrits plus haut :
La même section 1 présente les différents acteurs, de l'IANA (fonction actuellement assurée par l'ICANN), qui alloue des adresses aux RIR, jusqu'aux LIR (en général des FAI) qui les reçoivent des RIR.
Notons que l'IANA n'a traditionnellement jamais mis de critères à la distribution d'adresses IP aux RIR. Malgré la très théorique section 6, qui donne aux utilisateurs le droit de faire appel des décisions auprès de l'IANA, le pouvoir reste concentré aux mains des RIR.
La section 2 décrit le mécanisme de distribution des adresses. Celles-ci sont allouées aux LIR par les RIR, en larges blocs, puis affectées aux clients finaux par les LIR, en blocs plus petits. Normalement, l'affectation, contrairement à l'allocation, est réversible : le client final n'est pas propriétaire de ses adresses (on parle d'adresses PA pour Provider-Aggregatable, les autres sont PI, Provider-Independent, et attribuées directement par le RIR).
Pour satisfaire les buts énumérés dans la section 1, le RFC énonce des règles comme le principe que les adresses soient prêtées et pas données. Il comporte aussi des micro-règles comme de spécifier que les clients finaux ne devraient pas avoir d'adresses IP statiques !
La section 2.2 est consacrée à l'enregistrement et insiste sur l'importance que les informations soient correctes et à jour. Comme pour les registres de noms de domaine, il s'agit d'un vœu pieux et les serveurs whois des RIR distribuent quotidiennement des informations dépassées, voire fausses.
La section 3 est plus spécifiquement consacrée à l'affectation,
c'est à dire à la distribution des adresses des LIR vers les clients
finaux. C'est elle qui explique les règles devant lesquelles va
plancher l'utilisateur, comme « 25 % des adresses affectées doivent
être pour un usage immédiat » ou comme la nécessité de fournir un plan
d'adressage (section 3.2) comme le fameux ripe-141
(aujourd'hui 381 mais souvent connu sous son ancien numéro).
Notez que, contrairement à ce que prétend la section 4.4, où le RIR s'autorise à enquêter sur l'utilisation effective des adresses, il n'y a jamais de contrôle et bien des organisations ont obtenu des quantités importantes d'adresses IP avec des plans mirobolants d'accès Internet par ADSL pas cher avec des dizaines de milliers d'abonnés en quelques semaines. Les règles des RIR favorisent donc ceux qui savent bluffer avec talent.
Le RFC 2050 n'a jamais été mis à jour. Pour voir les politiques d'allocation actuelles des RIR, il faut consulter leurs sites Web :
On peut comparer facilement les différentes politiques en http://www.nro.net/documents/nro46.html
.
Lors de forums de discussion sur la gouvernance de l'Internet, relativement peu de discussions ont eu lieu sur l'allocation d'adresses IP, si on compare avec la gestion de la racine du DNS. Parce que les RIR, plus anciens et beaucoup plus efficaces, ont une meilleure légitimité que l'ICANN ? Parce que les RIR ont réussi à convaincre les participants à ces forums de regarder ailleurs ? Parce que la question est trop technique pour les politiciens et les avocats qui remplissent ces forums ? En tout cas, aujourd'hui où l'épuisement rapide des adresses IPv4 pose de manière encore plus aigüe l'allocation des adresses restantes, on peut s'inquiéter de ce qui va se produire dans les prochaines années. Certains proposent déjà ouvertement un marché des adresses IP, permettant aux pays du Nord, qui ont obtenu le plus d'adresses au début de l'Internet, de les vendre. C'est officiellement interdit par les RIR, mais cette interdiction tiendra t-elle face aux forces du marché ?
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