Les RFC (Request For Comments) sont les documents de référence de l'Internet. Produits par l'IETF pour la plupart, ils spécifient des normes, documentent des expériences, exposent des projets...
Leur gratuité et leur libre distribution ont joué un grand rôle dans le succès de l'Internet, notamment par rapport aux protocoles OSI de l'ISO organisation très fermée et dont les normes coûtent cher.
Je ne tente pas ici de traduire les RFC en français (un projet pour cela existe mais je n'y participe pas, considérant que c'est une mauvaise idée), mais simplement, grâce à une courte introduction en français, de donner envie de lire ces excellents documents. (Au passage, si vous les voulez présentés en italien...)
Le public visé n'est pas le gourou mais l'honnête ingénieur ou l'étudiant.
Date de publication du RFC : Novembre 2024
Auteur(s) du RFC : J. Snijders
(Fastly), B. Cartwright-Cox (Port
179), Y. Qu (Futurewei)
Chemin des normes
Première rédaction de cet article le 8 novembre 2024
Que doit faire un routeur BGP lorsque le pair en face ne traite manifestement plus ses messages ? Ce n'était pas précisé avant mais la réponse est évidente : raccrocher (mettre fin à la communication).
Un problème classique lors d'une connexion réseau, par exemple sur TCP, est de détecter si la machine en face est toujours là. Par défaut, TCP ne fournit pas ce service : s'il n'y a aucun trafic, vous ne pouvez pas savoir si votre partenaire est mort ou simplement s'il n'a rien à dire. Une coupure de réseau, par exemple, ne sera pas détectée tant que vous n'avez pas de trafic à transmettre (avec attente d'une réponse). Et BGP ne transmet que les changements donc l'absence de trafic ne signale pas forcément un problème. Il existe des solutions, comme d'envoyer périodiquement des messages même quand on n'a rien à dire (RFC 4271, section 4.4), mais aucune n'est parfaite : un programme qui utilise TCP ne sait typiquement pas immédiatement si ses messages sont vraiment partis (et l'alarme actuelle ne couvre que la réception des messages, pas leur envoi). Et BGP n'a pas de fonction « ping », qui exigerait une réponse.
Quand la coupure est franche et détectée, aucun problème, la session BGP (RFC 4271) s'arrête et les routes correspondantes sont retirées de la table de routage. Mais ce RFC traite le cas de où le routeur BGP d'en face a un problème mais qu'on ne détecte pas. Un exemple : si ce routeur en face a complètement fermé sa fenêtre TCP de réception (RFC 9293, notamment la section 3.8.6), on ne pourra pas lui envoyer de messages, mais la session BGP ne sera pas coupée et les paquets continueront à être transmis selon des annonces de routage dépassées, alors qu'ils finiront peut-être dans un trou noir (le problème des « zombies BGP »).
La solution (section 3 de notre RFC) est de modifier
l'automate de BGP (RFC 4271, section 8), en ajoutant une alarme (RFC 4271, section 10),
SendHoldTimer
. Quand elle expire, on coupe la
connexion TCP et on retire les routes qu'avait annoncé le pair dont
on n'a plus de nouvelles. Le RFC recommande une configuration par
défaut de huit minutes de patience avant de déclencher l'alarme.
L'erreur « Send Hold Timer Expired » est désormais dans le registre IANA des erreurs BGP et tcpdump sait l'afficher. Il existe plusieurs mises en œuvre de ce RFC :
Si les processus IETF vous passionnent, il y a une documentation des discussions autour de ce RFC.
Date de publication du RFC : Novembre 2024
Auteur(s) du RFC : C. Bormann (Universität Bremen
TZI)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF cbor
Première rédaction de cet article le 19 novembre 2024
Voici une légère mise à jour de la grammaire du langage de description de schéma CDDL (Concise Data Definition Language), originellement normalisé dans le RFC 8610. Pas de gros changement.
Il y avait juste quelques errata à traiter, et des ambiguités concernant notamment les chaines de caractères. Il était devenu nécessaire de modifier l'ABNF. CDDL a été décrit dans le RFC 8610, puis étendu par le RFC 9165. Il vise à décrire un schéma pour des fichiers CBOR ou JSON. Depuis quatre ans qu'il est normalisé, plusieurs erreurs ont été relevées dans la norme. (Dont une, c'est amusant, causée par le traitement du source du RFC, traitement qui avait fait disparaitre accidentellement des barres obliques inversées.)
Donc, notre RFC 9682 modifie l'ABNF qui décrit les littéraux pour les chaines de caractères, ABNF qui était trop laxiste (section 2 du RFC). Il change également la grammaire générale (section 3) pour autoriser (au niveau syntaxique) des schémas vides (ils restent interdits au niveau sémantique). Ainsi, l'ancienne règle :
cddl = S 1*(rule S)
devient :
cddl = S *(rule S)
Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : J. M. Halpern (Ericsson), J. Daley
(IETF Administration LLC)
Pour information
Première rédaction de cet article le 31 octobre 2024
Les normes publiées par l'IETF ne sont pas que des documents techniques à seule destination des techniciens. L'Internet et, de manière plus générale, les protocoles TCP/IP sont aussi une grosse industrie qui brasse beaucoup d'argent. Il y a donc un risque que des acteurs de cette industrie essaient d'influencer les normes à leur profit, par exemple en formant des alliances qui, dans certains pays, seraient illégales au regard des lois antitrust. Ce court RFC administratif explique aux participant·es IETF ce que sont ces lois et comment éviter de les violer.
En effet, les organisations, notamment les entreprises à but lucratif, qui participent à l'IETF peuvent être concurrentes sur leurs marchés. Or, le développement de normes nécessite de la collaboration entre ces concurrents. Pour maintenir une concurrence et pour éviter les ententes, plusieurs pays ont des lois, dites « antitrust », lois que des participant·es à l'IETF ne connaissent pas forcément bien. La justification idéologique de ces lois est rappelée par le RFC, dans le cas étatsunien mais d'autres pays capitalistes ont des principes similaires : « Competition in a free market benefits consumers through lower prices, better quality and greater choice. Competition provides businesses the opportunity to compete on price and quality, in an open market and on a level playing field, unhampered by anticompetitive restraints. » Que ce soit vrai ou pas, peu importe, les lois antitrust doivent être respectées. Ce RFC n'édicte pas de règles pour l'IETF (« respectez la loi » est de toute façon déjà obligatoire), mais il explique des subtilités juridiques aux participant·es à l'IETF.
Il y a en effet deux risques pour l'IETF, qu'un·e représentant officiel de l'IETF soit accusé de comportement anti-concurrentiel, engageant la responsabilité de l'organisation, ou que des participant·es soient accusés de comportement anti-concurrentiel, ce qui n'engagerait pas la responsabilité de l'IETF mais pourrait affecter sa réputation.
Les participant·es à l'IETF sont censés suivre des règles dont certaines limitent déjà le risque de comportement anti-concurrentiel, entre autres :
Maintenant, s'y ajoutent les questions spécifiques au respect des lois sur la concurrence. La section 4, le cœur de ce RFC, attire l'attention sur :
legal@ietf.org
) ou via
le service
spécifique pour les lanceurs d'alerte.Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : R. Hinden (Check Point
Software), G. Fairhurst (University of
Aberdeen)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF 6man
Première rédaction de cet article le 31 octobre 2024
Parmi les différentes options qui peuvent être placées dans un en-tête d'un paquet IPv6, certaines sont à traiter par chaque routeur situé sur le trajet. On les appelle les options « par saut » (hop-by-hop). Elles sont très peu utilisées en pratique, entre autres parce que leur traitement, tel que spécifié dans le RFC 8200, est trop contraignant pour les routeurs. Ce nouveau RFC change donc les règles, dans le sens d'un plus grand pragmatisme.
À part l'en-tête « Hop-by-hop Options » (RFC 8200, section 4.3), tous les en-têtes IPv6 ne concernent que les machines terminales. « Hop-by-hop Options », lui, concerne les routeurs et, avant le RFC 8200, tous les routeurs sur le trajet avaient l'obligation de le lire et d'agir en fonction des options qu'il contenait (la liste complète des options possibles est dans un registre IANA). Bien trop coûteuse pour les routeurs, cette obligation a été supprimée par le RFC 8200. Ce nouveau RFC 9673 modifie le traitement des options de cet en-tête (et donc le RFC 8200) dans l'espoir qu'il voit enfin un vrai déploiement dans l'Internet (actuellement, cet en-tête par saut - hop-by-hop - est quasiment inutilisé). Si vous concevez des routeurs, et êtes pressé·e, sautez directement à la section 5 du RFC, qui décrit les nouvelles règles, mais ce serait dommage.
Petite révision sur l'architecture des routeurs (section 3 du RFC). Les routeurs de haut de gamme ont une voie rapide (fast path) pour le traitement des paquets, lorsque ceux-ci n'ont pas de demande particulière. Mise en œuvre en dehors du processeur principal du routeur, cette voie rapide est traitée par des circuits spécialisés, typiquement des ASIC. Si le paquet nécessite des opérations plus complexes, on passe par une voie plus lente, utilisant des méthodes et du matériel plus proches de ceux d'un ordinateur classique. (Les RFC 6398 et RFC 6192 sont des lectures recommandées ici.) D'autre part, on distingue souvent, dans le routeur, la transmission (forwarding plane) et le contrôle (control plane). La transmission est le travail de base du routeur (transmettre les paquets reçus sur une interface via une autre interface, et le plus vite possible), le contrôle regroupe notamment les opérations de manipulation de la table de routage, par exemple lors de mises à jour reçues via des protocoles comme OSPF ou BGP. Contrairement à la transmission, le contrôle n'est pas en « temps réel ».
Aujourd'hui, un paquet IPv6 utilisant des options par saut risque fort de ne même pas arriver à destination, sacrifié par des routeurs qui ne veulent pas le traiter. (Voir le RFC 7872, l'exposé « Internet Measurements: IPv6 Extension Header Edition » ou l'article « Is it possible to extend IPv6? ».)
Que disent donc les nouvelles procédures (section 5) ?
Pour faciliter la tâche des routeurs, et toujours dans l'espoir que les options par saut deviennent enfin une possibilité réaliste, la section 6 du RFC encadre la définition de nouveaux en-têtes (le RFC 8200 recommandait carrément de ne plus en définir, tant qu'on n'avait pas mieux défini leur utilisation). Les éventuelles futures options doivent être simples à traiter et conçues en pensant au travail qu'elles imposeront au routeur. Le protocole qui les utilise doit intégrer le fait que le routeur est autorisé à ignorer cette option, voire qu'il puisse jeter le paquet.
Ah, et un mot sur la sécurité (section 8). Plusieurs RFC ont déjà documenté les problèmes de sécurité que peuvent poser les options par saut, notamment le risque qu'elles facilitent une attaque par déni de service sur le routeur : RFC 6398, RFC 6192, RFC 7045 et RFC 9098.
Est-ce que le déploiement de ce RFC va améliorer les choses pour l'en-tête par saut, qui est jusqu'à présent un exemple d'échec ? Je suis assez pessimiste, étant donné la difficulté à changer des comportements bien établis.
Un peu d'histoire pour terminer (section 4 du RFC) : les
premières normes IPv6 (RFC 1883, puis RFC 2460) imposaient à tous les routeurs d'examiner
et de traiter les options par saut. Le RFC 7045 avait été le premier à constater que cette règle
n'était pas respectée et ne pouvait pas l'être vu l'architecture des
routeurs modernes. Le problème de performance dans le traitement des
options était d'autant plus grave que les options n'avaient pas
toutes le même format (cela a été résolu par le RFC 6564, qui imposait un format unique). Le résultat, comme
vu plus haut, était que les routeurs ignoraient les options par saut
ou, pire, jetaient le paquet qui les contenait. (Le RFC 9288 et l'article « Threats
and Surprises behind IPv6 Extension Headers »
expliquent pourquoi c'est une mauvaise
idée. L'Internet Draft
draft-ietf-v6ops-hbh
discute également cette
question.)
Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : D. Thaler
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF bpf
Première rédaction de cet article le 1 novembre 2024
On a souvent envie de faire tourner des programmes à soi dans le noyau du système d'exploitation, par exemple à des fins de débogage ou d'observation du système. Cela soulève plein de problèmes (programmer dans le noyau est délicat) et la technique eBPF permet, depuis de nombreuses années, de le faire avec moins de risques. Ce RFC spécifie le jeu d'instructions eBPF. Programmeureuses en langage d'assemblage, ce RFC est pour vous.
eBPF désigne ici un jeu d'instructions (comme ARM ou RISC-V). Programmer en eBPF, c'est donc programmer en langage d'assemblage et, en général, on ne le fait pas soi-même, on écrit dans un langage de plus haut niveau (non spécifié ici mais c'est souvent un sous-ensemble de C) et on confie à un compilateur le soin de générer les instructions. Ce jeu d'instructions a plusieurs particularités. Notamment, il est délibérément limité, puisque toute bogue dans le noyau est particulièrement sérieuse, pouvant planter la machine ou pire, permettre son piratage. Vous ne pouvez pas faire de boucles générales, par exemple. eBPF est surtout répandu dans le monde Linux (et c'est là où vous trouverez beaucoup de ressources) où il est une alternative aux modules chargés dans le noyau. Pas mal du code réseau d'Android est ainsi en eBPF. Normalisé ici, eBPF peut être mis en œuvre sur d'autres noyaux (il tourne sur Windows, par exemple). Le monde eBPF est très riche, il y a plein de logiciels (pas toujours faciles à utiliser), plein de tutoriels (pas toujours à jour et qui ne correspondent pas toujours à votre système d'exploitation) mais cet article se focalise sur le sujet du RFC : le jeu d'instructions.
On trouve de nombreux exemples d'utilisation en production par exemple le répartiteur de charge Katran chez Facebook, via lequel vous êtes certainement passé, si vous utilisez Facebook. En plus expérimental, j'ai trouvé amusant qu'on puisse modifier les réponses DNS en eBPF.
Passons tout de suite à la description de ce jeu
d'instructions (ISA = Instruction Set
Architecture). D'abord, les types (section 2.1) :
u32
est un entier non
signé sur 32 bits, s16
, un signé
sur 16 bits, etc. eBPF fournit des fonctions de conversions utiles
(section 2.2) comme be16
qui convertit en
gros boutien (le RFC cite IEN137…). Au
passage, une mise en œuvre d'eBPF n'est pas obligée de tout fournir
(section 2.4). La norme décrit des groupes de conformité et une
implémentation d'eBPF doit lister quels groupes elle met en
œuvre. Le groupe base32
(qui n'a rien à voir
avec le Base32 du RFC 4648) est le minimum requis dans tous les cas. Par
exemple, divmul32
ajoute multiplication et
division. Tous ces groupes figurent dans un registre IANA.
Les instructions eBPF sont encodées en 64 ou 128 bits (section
3). On y trouve les instructions classiques de tout jeu, les
opérations arithmétiques (comme ADD
), logiques
(comme AND
), les sauts
(JA
, JEQ
et autrs), qui se
font toujours vers l'avant, pour, je suppose, ne pas permettre de boucles
(souvenez-vous du problème de l'arrêt, qui n'a
pas de solution avec un jeu
d'instructions plus étendu), l'appel de fonction, etc.
En parlant de fonctions, eBPF ne peut pas
appeler n'importe quelle fonction. Il y a deux sortes de fonctions
utilisables, les fonctions d'aide (section 4.3.1), pré-définies par
la plateforme utilisée, et non normalisées (pour celles de Linux,
voir la
documentation, qui est sous
Documentation/bpf
si vous avez les sources du
noyau). Il y a aussi les fonctions locales (section 4.3.2), définies
par le programme eBPF.
Il y a enfin des instructions pour lire et écrire dans la mémoire
(LD
, ST
, etc). Pour
mémoriser plus facilement, eBPF utilise
des dictionnaires (maps,
cf. section 5.4.1).
La section 6 concerne la sécurité, un point évidemment crucial puisque les programmes eBPF tournent dans le noyau, où les erreurs ne pardonnent pas. Un programme eBPF malveillant peut provoquer de nombreux dégâts. C'est pour cela que, sur Linux, seul root peut charger un tel programme dans le noyau. Le RFC recommande de faire tourner ces programmes dans un environnement limité (bac à sable), de limiter les ressources dont ils disposent et de faire tourner des vérifications sur le programme avant son exécution (par exemple, sur Linux, regardez cette documentation ou bien l'article « Simple and Precise Static Analysis of Untrusted Linux Kernel Extensions »).
Enfin, section 7, les registres (pas les registres du processeur, ceux où on enregistre les codes utilisés). Deux registres IANA sont créés, celui des groupes de conformité et celui du jeu d'instructions. L'annexe A du RFC donne les valeurs actuelles. Les registres sont extensibles et la politique d'enregistrement est « Spécification nécessaire » et « Examen par un expert », cf. RFC 8126. (J'avoue ne pas savoir pourquoi, si les opcodes sont enregistrés, les mnémoniques ne le sont pas, cela rend les registres difficiles à lire.)
Un peu d'histoire, au passage. eBPF est dérivé de BPF, ce qui voulait dire Berkeley Packet Filter, et était spécifique au filtrage des paquets réseau. Cet usage a été notamment popularisé par tcpdump. D'ailleurs, ce programme a une option pour afficher le code BPF produit :
% sudo tcpdump -d port 53 (000) ldh [12] (001) jeq #0x86dd jt 2 jf 10 (002) ldb [20] (003) jeq #0x84 jt 6 jf 4 (004) jeq #0x6 jt 6 jf 5 (005) jeq #0x11 jt 6 jf 23 (006) ldh [54] … (021) jeq #0x35 jt 22 jf 23 (022) ret #262144 (023) ret #0
Si vous voulez vous mettre à eBPF (attention, la courbe
d'apprentissage va être raide), man 4 bpf
est
utile. Typiquement, vous écrirez vos programmes dans un
sous-ensemble de C et vous
compilerez en eBPF, par exemple avec clang,
après avoir installé tous les outils et bibliothèques nécessaires
(il faut souvent des versions assez récentes) :
% cat count.c … int count_packets(struct __sk_buff *skb) { __u32 key = 0; __u64 *counter; counter = bpf_map_lookup_elem(&pkt_counter, &key); if (counter) { (*counter)++; } return 0; } … % clang -target bpf -c count.c % file count.o count.o: ELF 64-bit LSB relocatable, eBPF, version 1 (SYSV), not stripped % objdump -d count.o … 0000000000000000 <count_packets>: 0: 7b 1a f8 ff 00 00 00 00 stxdw [%r10-8],%r1 8: b7 01 00 00 00 00 00 00 mov %r1,0 10: 63 1a f4 ff 00 00 00 00 stxw [%r10-12],%r1 18: 18 01 00 00 00 00 00 00 lddw %r1,0 20: 00 00 00 00 00 00 00 00 28: bf a2 00 00 00 00 00 00 mov %r2,%r10 30: 07 02 00 00 f4 ff ff ff add %r2,-12
(Notez l'utilisation du désassembleur objdump.) Vous pouvez alors charger le code eBPF dans votre noyau, par exemple avec bpftool (et souvent admirer de beaux messages d'erreur comme « libbpf: elf: legacy map definitions in 'maps' section are not supported by libbpf v1.0+ »). Si tout fonctionne, votre code eBPF sera appelé par le noyau lors d'événements particuliers que vous avez indiqués (par exemple la création d'un processus, ou bien l'arrivée d'un paquet par le réseau) et fera alors ce que vous avez programmé. Un exemple d'utilisation d'eBPF pour observer ce que fait le noyau (ici avec un outil qui fait partie de bcc), on regarde les exec :
% sudo /usr/sbin/execsnoop-bpfcc PCOMM PID PPID RET ARGS check_disk 389622 1628 0 /usr/lib/nagios/plugins/check_disk -c 10% -w 20% -X none -X tmpfs -X sysfs -X proc -X configfs -X devtmpfs -X devfs -X check_disk 389623 1628 0 /usr/lib/nagios/plugins/check_disk -c 10% -w 20% -X none -X tmpfs -X sysfs -X proc -X configfs -X devtmpfs -X devfs -X check_swap 389624 1628 0 /usr/lib/nagios/plugins/check_swap -c 25% -w 50% check_procs 389625 1628 0 /usr/lib/nagios/plugins/check_procs -c 400 -w 250 ps 389627 389625 0 /bin/ps axwwo stat uid pid ppid vsz rss pcpu etime comm args sh 389632 389631 0 /bin/sh -c [ -x /usr/lib/php/sessionclean ] && if [ ! -d /run/systemd/system ]; then /usr/lib/php/sessionclean; fi sessionclean 389633 1 0 /usr/lib/php/sessionclean sort 389635 389633 0 /usr/bin/sort -rn -t: -k2,2 phpquery 389638 389634 0 /usr/sbin/phpquery -V expr 389639 389638 0 /usr/bin/expr 2 - 1 sort 389642 389638 0 /usr/bin/sort -rn
Le code eBPF est interprété par une machine virtuelle ou bien traduit à la volée en code natif.
Même ChatGPT peut écrire de l'eBPF (les tours de Hanoi et un serveur DNS).
De nombreux exemples se trouvent dans le répertoire
samples/bpf
des sources du noyau Linux. (Le
fichier README.rst
explique comment compiler
mais seulement dans le cadre de la compilation d'un noyau. En gros,
c'est make menuconfig
, cd
samples/bpf
puis make -i
.) Un bon
exemple, relativement simple, pour commencer avec le réseau est
tcp_clamp_kern.c
.
Si vous préférez travailler en Go (là aussi, avec un Go récent…), il existe un bon projet. Si vous suivez bien la documentation, vous pourrez compiler des programmes et les charger :
% go mod init ebpf-test % go mod tidy % go get github.com/cilium/ebpf/cmd/bpf2go % go generate % go build % sudo ./ebpf-test 2024/08/20 15:21:43 Counting incoming packets on veth0.. … 2024/08/20 15:22:03 Received 25 packets 2024/08/20 15:22:04 Received 26 packets 2024/08/20 15:22:05 Received 27 packets 2024/08/20 15:22:06 Received 502 packets <- ping -f 2024/08/20 15:22:07 Received 57683 packets 2024/08/20 15:22:08 Received 75237 packets ^C2024/08/20 15:22:09 Received signal, exiting..
Vous trouverez beaucoup de ressources eBPF sur
. Et si vous voulez plonger dans
les détails précis des choix de conception d'eBPF, je recommande
ce
document.https://ebpf.io/
Ce RFC avait fait l'objet de pas mal de débats à l'IETF car, normalement, l'IETF ne normalise pas de langages de programmation ou de jeux d'instructions. (La première réunion était à l'IETF 116 en mars 2023 donc c'est quand même allé assez vite.)
Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : H. Salgado (NIC Chile), M. Vergara (DigitalOcean), D. Wessels (Verisign)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF dnsop
Première rédaction de cet article le 13 octobre 2024
Cette nouvelle option du DNS permet au client d'obtenir du serveur le numéro de version de la zone servie. (Et, non, le numéro de série dans l'enregistrement SOA ne suffit pas, lisez pour en savoir plus.)
Cela permettra de détecter les problèmes de mise à jour des serveurs faisant autorité si, par exemple, un des secondaires ne se met plus à jour. C'est surtout important pour l'anycast, qui complique le déboguage. En combinaison avec le NSID du RFC 5001, vous trouverez facilement le serveur qui a un problème. Cette nouvelle option ressemble d'ailleurs à NSID et s'utilise de la même façon.
Vous le savez, le DNS ne garantit pas que tous les serveurs faisant
autorité d'une zone servent la même version de la zone au
même moment. Si je regarde la zone
.com
à cet instant (14
juillet 2024, 09:48 UTC) avec check-soa, je
vois :
% check-soa com a.gtld-servers.net. 2001:503:a83e::2:30: OK: 1720950475 192.5.6.30: OK: 1720950475 b.gtld-servers.net. 192.33.14.30: OK: 1720950475 2001:503:231d::2:30: OK: 1720950475 c.gtld-servers.net. 2001:503:83eb::30: OK: 1720950475 192.26.92.30: OK: 1720950475 d.gtld-servers.net. 2001:500:856e::30: OK: 1720950475 192.31.80.30: OK: 1720950475 e.gtld-servers.net. 2001:502:1ca1::30: OK: 1720950475 192.12.94.30: OK: 1720950475 f.gtld-servers.net. 2001:503:d414::30: OK: 1720950475 192.35.51.30: OK: 1720950475 g.gtld-servers.net. 192.42.93.30: OK: 1720950475 2001:503:eea3::30: OK: 1720950475 h.gtld-servers.net. 192.54.112.30: OK: 1720950475 2001:502:8cc::30: OK: 1720950475 i.gtld-servers.net. 2001:503:39c1::30: OK: 1720950460 192.43.172.30: OK: 1720950475 j.gtld-servers.net. 2001:502:7094::30: OK: 1720950475 192.48.79.30: OK: 1720950475 k.gtld-servers.net. 192.52.178.30: OK: 1720950460 2001:503:d2d::30: OK: 1720950475 l.gtld-servers.net. 192.41.162.30: OK: 1720950475 2001:500:d937::30: OK: 1720950475 m.gtld-servers.net. 2001:501:b1f9::30: OK: 1720950475 192.55.83.30: OK: 1720950475
On observe que, bien que le numéro de série dans l'enregistrement SOA soit 1720950475, certains serveurs sont restés à 1720950460. Le DNS est « modérement cohérent » (RFC 3254, sur ce concept).
Dans l'exemple ci-dessus, check-soa a simplement fait une requête pour le type de données SOA (section 4.3.5 du RFC 1034). Une limite de cette méthode est que, si on observe des données d'autres types qui ne semblent pas à jour et que, pour vérifier, on fait une requête de type SOA, on n'a pas de garantie de tomber sur le même serveur, notamment en cas d'utilisation d'anycast (RFC 4786) ou bien s'il y a un répartiteur de charge avec plusieurs serveurs derrière. (D'ailleurs, dans l'exemple ci-dessus, vous avez remarqué que vous n'avez pas la même réponse en IPv4 et IPv6, probablement parce que vous arriviez sur deux instances différentes du nuage anycast.) Il faut donc un mécanisme à l'intérieur même de la requête qu'on utilise, comme pour le NSID. C'est le cas du ZONEVERSION de ce RFC, qui permet d'exprimer la version sous forme d'un numéro de série (comme avec le SOA) ou par d'autres moyens dans le futur, puisque toutes les zones n'utilisent pas le mécanisme de synchronisation habituel du DNS. On peut par exemple avoir des zones entièrement dynamiques et tirées d'une base de données, ou bien d'un calcul.
Notez aussi que certaines zones, comme
.com
, changent très
vite, et que donc, même si on tombe sur le même serveur, le numéro
de série aura pu changer entre une requête ordinaire et celle pour
le SOA. C'est une raison supplémentaire pour avoir le mécanisme
ZONEVERSION.
Bref, le nouveau mécanisme (section 2 du RFC), utilise EDNS (section 6.1.2 du RFC 6891). La nouvelle option EDNS porte le numéro 19. Encodée en TLV comme toutes les options EDNS, elle comprend une longueur et une chaine d'octets qui est la version de la zone. La longueur vaut zéro dans une requête (le client indique juste qu'il souhaite connaitre la version de la zone) et, dans la réponse, une valeur non nulle. La version est elle-même composée de trois champs :
foo.bar.example.org
et que le serveur renvoie
la version de la zone example.org
, ce champ
vaudra deux.
Si vous voulez voir dans un pcap, regardez
.zoneversion.pcap
L'option ZONEVERSION n'est renvoyée au client qui si celui-ci l'avait demandé, ce qu'il fait en mettant une option ZONEVERSION vide dans sa requête (section 3 du RFC). Si le serveur fait autorité pour la zone concernée (ou une zone ancêtre), et qu'il gère cette nouvelle option, il répond avec une valeur. Même si le nom demandé n'existe pas (réponse NXDOMAIN), l'option est renvoyée dans la réponse.
Comme les autres options EDNS, elle n'est pas signée par DNSSEC (section 8). Il n'y a donc pas de moyen de vérifier son authenticité et elle ne doit donc être utilisée qu'à titre informatif, par exemple pour le déboguage. (En outre, elle peut être modifiée en route, sauf si on utilise un mécanisme comme DoT - RFC 7858.)
Question mises en œuvre de cette option, c'est surtout du code expérimental pour l'instant, voir cette liste (pas très à jour ?). Personnellement, j'ai ajouté ZONEVERSION à Drink, et écrit un article sur l'implémentation d'options EDNS (mais notez que l'option a changé de nom et de format depuis). Notez que, contrairement à presque toutes les options EDNS, ZONEVERSION est par zone, pas par serveur, ce qui est une contrainte pour le ou la programmeureuse, qui ne peut pas choisir la valeur avant de connaitre le nom demandé. Du côté des autres logiciels, NSD a vu un patch (mais apparemment abandonné). Voici ce que voit dig actuellement (en attendant une intégration officielle de l'option) :
% dig +ednsopt=19 @ns1-dyn.bortzmeyer.fr dyn.bortzmeyer.fr SOA … ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 64655 ;; flags: qr aa rd; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 … ;; OPT PSEUDOSECTION: ; EDNS: version: 0, flags: do; udp: 1440 ; OPT=19: 03 00 78 a5 08 cc ("..x...") … ;; ANSWER SECTION: dyn.bortzmeyer.fr. 0 IN SOA ns1-dyn.bortzmeyer.fr. stephane.bortzmeyer.org. ( 2024081612 ; serial …
Vous noterez que "03" indique trois composants
(dyn.bortzmeyer.fr
), "00" le SOA-SERIAL, et "78
a5 08 cc" égal 2024081612. Vous pouvez aussi tester ZONEVERSION avec
le serveur de test 200.1.122.30
(un NSD
modifié), avec le domaine example.com
.
Date de publication du RFC : Septembre 2024
Auteur(s) du RFC : M. Nottingham
(Cloudflare), P-H. Kamp (The Varnish Cache
Project)
Chemin des normes
Première rédaction de cet article le 6 octobre 2024
Plusieurs en-têtes HTTP sont structurés,
c'est-à-dire que le contenu n'est pas juste une suite de caractères
mais est composé d'éléments qu'un logiciel peut analyser. C'est par
exemple le cas de Accept-Language:
ou de
Content-Disposition:
. Mais chaque en-tête ainsi
structuré a sa propre syntaxe, sans rien en commun avec les autres
en-têtes structurés, ce qui en rend l'analyse pénible. Ce nouveau
RFC (qui
remplace le RFC 8941) propose donc
des types de données et des algorithmes que les futurs en-têtes qui
seront définis pourront utiliser pour standardiser un peu l'analyse
d'en-têtes HTTP. Les en-têtes structurés anciens ne sont pas
changés, pour préserver la compatibilité. De nombreux RFC utilisent
déjà cette syntaxe (RFC 9209, RFC 9211, etc).
Imaginez : vous êtes un concepteur ou une conceptrice d'une extension au protocole HTTP qui va nécessiter la définition d'un nouvel en-tête. La norme HTTP, le RFC 9110, section 16.3.2, vous guide en expliquant ce à quoi il faut penser quand on conçoit un en-tête HTTP. Mais même avec ce guide, les pièges sont nombreux. Et, une fois votre en-tête spécifié, il vous faudra attendre que tous les logiciels, serveurs, clients, et autres (comme Varnish, pour lequel travaille un des auteurs du RFC) soient mis à jour, ce qui sera d'autant plus long que le nouvel en-tête aura sa syntaxe spécifique, avec ses amusantes particularités. Amusantes pour tout le monde, sauf pour le programmeur ou la programmeuse qui devra écrire l'analyse.
La solution est donc que les futurs en-têtes structurés réutilisent les éléments fournis par notre RFC, ainsi que son modèle abstrait, et la sérialisation proposée pour envoyer le résultat sur le réseau. Le RFC recommande d'appliquer strictement ces règles, le but étant de favoriser l'interopérabilité, au contraire du classique principe de robustesse, qui mène trop souvent à du code compliqué (et donc dangereux) car voulant traiter tous les cas et toutes les déviations. L'idée est que s'il y a la moindre erreur dans un en-tête structuré, celui-ci doit être ignoré complètement.
La syntaxe est malheureusement spécifiée sous forme d'algorithmes d'analyse. L'annexe C fournit toutefois aussi une grammaire en ABNF (RFC 5234).
Voici un exemple fictif d'en-tête structuré très simple
(tellement simple que, si tous étaient comme lui, on n'aurait sans
doute pas eu besoin de ce RFC) :
Foo-Example:
est défini comme ne prenant qu'un
élément comme valeur, un entier compris entre 0 et 10. Voici à quoi
il ressemblera en HTTP :
Foo-Example: 3
Il accepte des paramètres après un
point-virgule, un seul paramètre est défini,
foourl
dont la valeur est un URI. Cela pourrait
donner :
Foo-Example: 2; foourl="https://foo.example.com/"
Donc, ces solutions pour les en-têtes structurés ne serviront que pour les futurs en-têtes, pas encore définis, et qui seront ajoutés au registre IANA. Imaginons donc que vous soyez en train de mettre au point une norme qui inclut, entre autres, un en-tête HTTP structuré. Que devez-vous mettre dans le texte de votre norme ? La section 2 de notre RFC vous le dit :
Foo-Example:
, la valeur
était un élément, de type entier.Foo-Example:
imposait une valeur entière
entre 0 et 10.Une spécification d'un en-tête structuré ne peut que rajouter des contraintes à ce que prévoit ce RFC 9651. S'il en retirait, on ne pourrait plus utiliser du code générique pour analyser tous les en-têtes structurés.
Rappelez-vous que notre RFC est strict : si une erreur est présente
dans l'en-tête, il est ignoré. Ainsi, s'il était spécifié que la
valeur est un élément de type entier et qu'on trouve une chaîne de
caractères, on ignore l'en-tête. Idem dans l'exemple ci-dessus si on
reçoit Foo-Example: 42
, la valeur excessive
mène au rejet de l'en-tête.
Les valeurs peuvent inclure des paramètres (comme le
foourl
donné en exemple plus haut), et le RFC
recommande d'ignorer les paramètres inconnus, afin de permettre
d'étendre leur nombre sans tout casser.
On a vu qu'une des plaies du Web était le laxisme trop grand dans l'analyse des données reçues (c'est particulièrement net pour HTML). Mais on rencontre aussi des cas contraires, des systèmes (par exemple les pare-feux applicatifs) qui, trop fragiles, chouinent lorsqu'ils rencontrent des cas imprévus, parce que leurs auteurs avaient mal lu le RFC. Cela peut mener à l'ossification, l'impossibilité de faire évoluer l'Internet parce que des nouveautés, pourtant prévues dès l'origine, sont refusées. Une solution récente est le graissage, la variation délibérée des messages pour utiliser toutes les possibilités du protocole. (Un exemple pour TLS est décrit dans le RFC 8701.) Cette technique est recommandée par notre RFC.
La section 3 du RFC décrit ensuite les types qui sont les briques de base avec lesquelles on va pouvoir définir les en-têtes structurés. La valeur d'un en-tête peut être une liste, un dictionnaire ou un élément. Les listes et les dictionnaires peuvent à leur tour contenir des listes. Une liste est une suite de termes qui, dans le cas de HTTP, sont séparés par des virgules :
ListOfStrings-Example: "foo", "bar", "It was the best of times."
Et si les éléments d'une liste sont eux-mêmes des listes, on met ces listes internes entre parenthèses (et notez la liste vide à la fin, et l'espace comme séparateur) :
ListOfListsOfStrings-Example: ("foo" "bar"), ("baz"), ("bat" "one"), ()
Un en-tête structuré dont la valeur est une liste a toujours une valeur, la liste vide, même si l'en-tête est absent.
Un dictionnaire est une suite de termes nom=valeur. En HTTP, cela donnera :
Dictionary-Example: en="Applepie", fr="Tarte aux pommes"
Et nous avons déjà vu les éléments simples dans le premier
exemple. Les éléments peuvent être de type
entier,
chaîne de
caractères, booléen,
identificateur, valeur binaire, date, et un dernier type plus exotique
(lisez le RFC pour en savoir plus). L'exemple avec
Foo-Example:
utilisait un entier. Les exemples
avec listes et dictionnaires se servaient de chaînes de
caractères. Ces chaînes sont encadrées de
guillemets (pas
d'apostrophes).
Compte-tenu des analyseurs HTTP
existants, les chaînes de caractères ordinaires
doivent être en ASCII (RFC 20). Si on veut envoyer de l'Unicode, il faut utiliser
un autre type, Display String. Quant aux booléens, notez qu'il faut
écrire 1 et 0 (pas true
et
false
), et préfixé d'un point
d'interrogation.
Toutes ces valeurs peuvent prendre des paramètres, qui sont eux-mêmes une suite de couples clé=valeur, après un point-virgule qui les sépare de la valeur principale (ici, on a deux paramètres) :
ListOfParameters: abc;a=1;b=2
J'ai dit au début que ce RFC définit un modèle abstrait, et une sérialisation concrète pour HTTP. La section 4 du RFC spécifie cette sérialisation, et son inverse, l'analyse des en-têtes (pour les programmeur·ses seulement).
Ah, et si vous êtes fana de formats structurés, ne manquez pas l'annexe A du RFC, qui répond à la question que vous vous posez certainement depuis plusieurs paragraphes : pourquoi ne pas avoir tout simplement décidé que les en-têtes structurés auraient des valeurs en JSON (RFC 8259), ce qui évitait d'écrire un nouveau RFC, et permettait de profiter du code JSON existant ? Le RFC estime que le fait que les chaînes de caractères JSON soient de l'Unicode est trop risqué, par exemple pour l'interopérabilité. Autre problème de JSON, les structures de données peuvent être emboîtées indéfiniment, ce qui nécessiterait des analyseurs dont la consommation mémoire ne peut pas être connue et limitée. (Notre RFC permet des listes dans les listes mais cela s'arrête là : on ne peut pas poursuivre l'emboîtement.)
Une partie des problèmes avec JSON pourrait se résoudre en se limitant à un profil restreint de JSON, par exemple en utilisant le RFC 7493 comme point de départ. Mais, dans ce cas, l'argument « on a déjà un format normalisé, et mis en œuvre partout » tomberait.
Enfin, l'annexe A note également qu'il y avait des considérations d'ordre plutôt esthétiques contre JSON dans les en-têtes HTTP.
Toujours pour les programmeur·ses, l'annexe B du RFC donne quelques conseils pour les auteur·es de bibliothèques mettant en œuvre l'analyse d'en-têtes structurés. Pour les aider à suivre ces conseils, une suite de tests est disponible. Quant à une liste de mises en œuvre du RFC, vous pouvez regarder celle-ci.
Actuellement, il y a dans le registre
des en-têtes plusieurs en-têtes structurés, comme le
Accept-CH:
du RFC 8942 (sa valeur est une liste d'identificateurs), le
Cache-Status:
du RFC 9211
ou le Client-Cert:
du RFC 9440.
Si vous voulez un exposé synthétique sur ces en-têtes structurés, je vous recommande cet article par un des auteurs du RFC.
Voyons maintenant un peu de pratique avec une des mises en œuvre citées plus haut, http_sfv, une bibliothèque Python. Une fois installée :
% python3 >>> import http_sfv >>> my_item=http_sfv.Item() >>> my_item.parse(b"2") >>> print(my_item) 2
On a analysé la valeur « 2 » en déclarant que cette valeur devait être un élément et, pas de surprise, ça marche. Avec une valeur syntaxiquement incorrecte :
>>> my_item.parse(b"2, 3") Traceback (most recent call last): File "<stdin>", line 1, in <module> File "/home/stephane/.local/lib/python3.12/site-packages/http_sfv/util.py", line 61, in parse raise ValueError("Trailing text after parsed value") ValueError: Trailing text after parsed value
Et avec un paramètre (il sera accessible après l'analyse, via le
dictionnaire Python params
) :
>>> my_item.parse(b"2; foourl=\"https://foo.example.com/\"") >>> print(my_item.params['foourl']) https://foo.example.com/
Avec une liste :
>>> my_list=http_sfv.List() >>> my_list.parse(b"\"foo\", \"bar\", \"It was the best of times.\"") >>> print(my_list) "foo", "bar", "It was the best of times."
Et avec un dictionnaire :
>>> my_dict=http_sfv.Dictionary() >>> my_dict.parse(b"en=\"Applepie\", fr=\"Tarte aux pommes\"") >>> print(my_dict) en="Applepie", fr="Tarte aux pommes" >>> print(my_dict["fr"]) "Tarte aux pommes"
L'annexe D résume les principaux changements depuis le RFC 8941. Rien de trop crucial, à part le fait que l'ABNF est reléguée à une annexe. Sinon, il y a deux nouveaux types de base, pour les dates et les chaines de caractères en Unicode (Display Strings).
Date de publication du RFC : Novembre 2024
Auteur(s) du RFC : J. Zern, P. Massimino, J. Alakuijala
(Google)
Pour information
Première rédaction de cet article le 19 novembre 2024
Un RFC sur un
format d'image : il décrit le format WebP et
enregistre officiellement le type image/webp
.
Bon, des images au format WebP, vous en avez forcément vu un peu partout sur le Web. Mais le format n'était pas encore documenté par un organisme de normalisation. C'est désormais fait. WebP s'appuie sur le format RIFF. Plus précisément, RIFF est un cadre générique qui peut se décliner en divers formats. C'est pour cela que les fichiers WebP commencent par les quatre codes ASCII correspondant à "RIFF".
WebP permet de la compression avec perte ou sans perte, et, d'une manière générale, tout ce qu'on attend d'un format graphique. C'est donc un concurrent de JPEG, PNG (RFC 2083), GIF… L'encodage lors de la compression avec perte est celui de VP8 (RFC 6386), produisant des images plus petites que ses prédécesseurs, ce qui est bon pour le réseau. La compression sans perte est faite en LZ77 et Huffman. WebP permet également le stockage de métadonnées codées en EXIF ou en XMP. Ah, et WebP permet des animations.
Cette image, sur un sujet politique qui est toujours d'actualité, est au format WebP :
La section 2 du RFC décrit le format en détail. Les trois premiers champs sont la chaine "RIFF", la taille du fichier en binaire et la chaine "WEBP", chacun sur quatre octets. Affichons ces trois champs :
% dd if=how-do-you-like-it-wrapped.webp bs=4 count=3 RIFFXWEBP 3+0 records in 3+0 records out 12 bytes copied…
La section 3 décrit ensuite le stockage des pixels sans perte.
Comme avec tout format, les logiciels qui lisent les fichiers WebP (qu'on télécharge souvent depuis l'Internet, via des sources pas forcément de confiance) doivent être prudents dans l'analyse des fichiers. Les fichiers peuvent être invalides, par accident ou délibérément, et mener le logiciel négligent à lire en dehors d'un tableau ou déréférencer un pointeur invalide. La paranoïa est recommandée quand on lit ces fichiers. Plusieurs failles ont touché la libwebp, l'implémentation de référence, dont la grave CVE-2023-4863 en 2023 qui avait fait, à juste titre, beaucoup de bruit.
Toujours question sécurité, WebP n'a pas de contenu exécutable (contrairement à, par exemple, TrueType). Mais les métadonnées EXIF ou en XMP peuvent poser des problèmes de sécurité et doivent donc être interprétées avec prudence.
Le type
image/webp
est désormais dans
le registre des types de médias (cf. le
formulaire rempli).
Si on regarde des fichiers WebP, on a ce genre d'informations :
% file resolution-dns.webp resolution-dns.webp: RIFF (little-endian) data, Web/P image % file --mime-type resolution-dns.webp resolution-dns.webp: image/webp
Pour finir, produisons un peu d'images WebP pour voir. Si on utilise Asymptote, c'est facile :
% asy -f webp -o resolution-dns.webp resolution-dns.asy
On peut aussi convertir depuis les formats existants, ici avec ImageMagick :
% convert -verbose resolution-dns.png resolution-dns.webp resolution-dns.png PNG 823x508 823x508+0+0 8-bit sRGB 31713B 0.020u 0:00.011 resolution-dns.png=>resolution-dns.webp PNG 823x508 823x508+0+0 8-bit sRGB 16580B 0.040u 0:00.047
Si on fait des graphiques depuis ses programmes en Python avec Matplotlib, il suffit, depuis la version 3.6, de :
plot.savefig(fname="test.webp") # No need to indicate the format, it # is taken from the file extension.
(Voir aussi ce beau résultat sur Wikimedia Commons.)
Date de publication du RFC : Août 2024
Auteur(s) du RFC : G. Huston (APNIC), N. Buraglio (Energy Sciences Network)
Pour information
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF v6ops
Première rédaction de cet article le 28 août 2024
Le préfixe IPv6 normalisé pour les
documentations, 2001:db8::/32
était trop petit
pour vous ? Vous aviez du mal à exprimer des architectures réseau
complexes, avec beaucoup de préfixes ? Ne pleurez plus, un nouveau
préfixe a été alloué, c'est désormais un /20, le 3fff::/20
.
Ce RFC modifie
légèrement le RFC 3849, qui normalisait ce
préfixe de documentation. Le but d'un préfixe IP de documentation est
d'éviter que les auteur·es de ces documentations ne prennent des
adresses IP qui existent
par ailleurs, au risque que des administrateurices
réseaux maladroit·es ne copient ces adresses IP (songez
au nombre d'articles qui parlent d'IPv4 en
utilisant des exemples comme les adresses
1.1.1.1
ou 1.2.3.4
, qui
existent réellement). On doit donc utiliser les noms de domaine du RFC 2606, les adresses IPv4 du RFC 5737, et les numéros d'AS du RFC 5398. Pour IPv6, l'espace de
documentation est désormais 3fff::/20
(l'ancien
préfixe 2001:db8::/32
reste réservé et valable donc pas besoin de modifier les
documentations existantes).
Cette nouvelle taille permet de documenter des réseaux réalistes,
par exemple où deux /32
se parlent.
Si ce préfixe est désormais dans le registre des adresses spéciales, il ne semble pas (encore ?) décrit dans la base d'un RIR, contrairement à son prédécesseur.
Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : A.D. Olson, P. Eggert
(UCLA), K. Murchison (Fastmail)
Chemin des normes
Première rédaction de cet article le 31 octobre 2024
Ce nouveau RFC
documente un format déjà ancien et largement déployé, TZif, un
format de description des fuseaux
horaires. Il définit également des types MIME pour ce format,
application/tzif
et
application/tzif-leap
. Il remplace le premier
RFC de normalisation de ce format, le RFC 8536, mais il y a très peu de changements. Bienvenue donc
à la version 4 du format, spécifiée dans ce RFC.
Ce format existe depuis quarante ans (et a pas mal évolué pendant ce temps) mais n'avait apparemment jamais fait l'objet d'une normalisation formelle avant le RFC 8536 en 2019. La connaissance des fuseaux horaires est indispensable à toute application qui va manipuler des dates, par exemple un agenda. Un fuseau horaire se définit par un décalage par rapport à UTC, les informations sur l'heure d'été, des abréviations pour désigner ce fuseau (comme CET pour l'heure de l'Europe dite « centrale ») et peut-être également des informations sur les secondes intercalaires. Le format iCalendar du RFC 5545 est un exemple de format décrivant les fuseaux horaires. TZif, qui fait l'objet de ce RFC, en est un autre. Contrairement à iCalendar, c'est un format binaire.
TZif vient à l'origine du monde Unix et est apparu dans les années 1980, quand le développement de l'Internet, qui connecte des machines situées dans des fuseaux horaires différents, a nécessité que les machines aient une meilleure compréhension de la date et de l'heure. Un exemple de source faisant autorité sur les fuseaux horaires est la base de l'IANA décrite dans le RFC 6557 et dont l'usage est documenté à l'IANA. Pour la récupérer, voir par exemple le RFC 7808.
La section 2 de notre RFC décrit la terminologie du domaine :
time()
, à savoir le nombre de
secondes depuis l'epoch, donc depuis le 1
janvier 1970. Il ne tient pas compte des secondes intercalaires,
donc il existe aussi un « temps Unix avec secondes intercalaires »
(avertissement : tout ce qui touche au temps et aux calendriers
est compliqué).
C'est ce dernier qui est utilisé dans le format TZif, pour
indiquer les dates et heures des moments où se fait une transition
entre heure d'hiver et heure d'été.La section 3 de notre RFC décrit le format lui-même. Un fichier TZif est composé d'un en-tête (taille fixe de 44 octets) indiquant entre autres le numéro de version de TZif. La version actuelle est 4. Ensuite, on trouve les données. Dans la version 1 de TZif, le bloc de données indiquait les dates de début et de fin des passages à l'heure d'été sur 32 bits, ce qui les limitait aux dates situées entre 1901 et 2038. Les versions ultérieures de TZif sont passées à 64 bits, ce qui permet de tenir environ 292 milliards d'années mais le bloc de données de la version 1 reste présent, au cas où il traine encore des logiciels ne comprenant que la version 1. Notez que ces 64 bits permettent de représenter des dates antérieures au Big Bang, mais certains logiciels ont du mal avec des valeurs situées trop loin dans le passé.
Les versions 2, 3 et 4 ont un second en-tête de 44 octets, et un bloc de données à elles. Les vieux logiciels arrêtent la lecture après le premier bloc de données et ne sont donc normalement pas gênés par cet en-tête et ce bloc supplémentaires. Les logiciels récents peuvent sauter le bloc de données de la version 1, qui ne les intéresse a priori pas (voir section 4 et annexe A). C'est au créateur du fichier de vérifier que les blocs de données destinés aux différentes versions sont raisonnablement synchrones, en tout cas pour les dates antérieures à 2038.
Nouveauté apparue avec la version 2, il y a aussi un pied de page à
la fin. Les entiers sont stockés en gros boutien, et en complément à deux. L'en-tête
commence par la chaîne magique « TZif » (U+0054 U+005A U+0069
U+0066), et comprend la longueur du bloc de données (qui dépend du
nombre de transitions, de secondes intercalaires et d'autres
informations à indiquer). Le bloc de données contient la liste des
transitions, le décalage avec UT, le nom du fuseau horaire, la liste des
secondes intercalaires, etc. Vu par le mode hexadécimal
d'Emacs, voici le début d'un fichier Tzif
version 2 (pris sur une Ubuntu, dans
/usr/share/zoneinfo/Europe/Paris
). On voit bien
la chaîne magique, puis le numéro de version, et le début du bloc de
données :
00000000: 545a 6966 3200 0000 0000 0000 0000 0000 TZif2........... 00000010: 0000 0000 0000 000d 0000 000d 0000 0000 ................ 00000020: 0000 00b8 0000 000d 0000 001f 8000 0000 ................ 00000030: 9160 508b 9b47 78f0 9bd7 2c70 9cbc 9170 .`P..Gx...,p...p 00000040: 9dc0 48f0 9e89 fe70 9fa0 2af0 a060 a5f0 ..H....p..*..`.. ...
Avec od, ça donnerait :
% od -x -a /usr/share/zoneinfo/Europe/Paris 0000000 5a54 6669 0032 0000 0000 0000 0000 0000 T Z i f 2 nul nul nul nul nul nul nul nul nul nul nul 0000020 0000 0000 0000 0d00 0000 0d00 0000 0000 nul nul nul nul nul nul nul cr nul nul nul cr nul nul nul nul 0000040 0000 b800 0000 0d00 0000 1f00 0080 0000 nul nul nul 8 nul nul nul cr nul nul nul us nul nul nul nul 0000060 6091 8b50 479b f078 d79b 702c bc9c 7091 dc1 ` P vt esc G x p esc W , p fs < dc1 p ...
Des exemples détaillés et commentés de fichiers TZif figurent en annexe B. À lire si vous voulez vraiment comprendre les détails du format.
Le pied de page indique notamment les extensions à la variable d'environnement TZ. Toujours avec le mode hexadécimal d'Emacs, ça donne :
00000b80: 4345 542d 3143 4553 542c 4d33 2e35 2e30 CET-1CEST,M3.5.0 00000b90: 2c4d 3130 2e35 2e30 2f33 0a ,M10.5.0/3.
On a vu que le format TZif avait une histoire longue et compliquée. La section 4 du RFC est entièrement consacrée aux problèmes d'interopérabilité, liés à la coexistence de plusieurs versions du format, et de beaucoup de logiciels différents. Le RFC conseille (sections 4 et 5) :
application/tzif-leap
ou
application/tzif
(s'il n'indique pas les
secondes intercalaires). Ces types MIME
sont désormais dans le registre
officiel (cf. section 9 du RFC).L'annexe A du RFC en rajoute, tenant compte de l'expérience accumulée ; par exemple, certains lecteurs de TZif n'acceptent pas les noms de fuseaux horaires contenant des caractères non-ASCII et il peut donc être prudent de ne pas utiliser ces caractères. Plus gênant, il existe des lecteurs assez bêtes pour planter lorsque des temps sont négatifs. Or, les entiers utilisant dans TZif sont signés, afin de pouvoir représenter les moments antérieurs à l'epoch. Donc, attention si vous avez besoin de données avant le premier janvier 1970, cela perturbera certains logiciels bogués.
En parlant des noms de fuseaux horaires, le RFC rappelle (section 5) que le sigle utilisé dans le fichier Tzif (comme « CET ») est en anglais et que, si on veut le traduire, cela doit être fait dans l'application, pas dans le fichier. Le RFC donne comme exemple CST, qui peut être présenté comme « HNC », pour « Heure Normale du Centre ».
Autre piège avec ces sigles utilisés pour nommer les fuseaux horaires : ils sont ambigus. PST peut être la côte Ouest des USA mais aussi l'heure du Pakistan ou des Philippines.
La section 7 du RFC donne quelques conseils de sécurité :
Enfin, l'annexe C du RFC liste les changements depuis le RFC 8536, changements qui mènent à cette nouvelle version, la 4. Rien de crucial mais :
Une bonne liste de logiciels traitant ce format figure à l'IANA.
Date de publication du RFC : Septembre 2024
Auteur(s) du RFC : G. Grover, N. ten Oever (University of Amsterdam)
Pour information
Réalisé dans le cadre du groupe de recherche IRTF hrpc
Première rédaction de cet article le 17 septembre 2024
Voici un RFC explicitement politique, puisqu'il documente la façon dont les concepteur·rices de protocoles à l'IETF devraient examiner les conséquences de leurs protocoles sur l'exercice des droits humains. Si vous concevez un protocole réseau (IETF ou pas), c'est une lecture recommandée.
Les protocoles ne sont pas neutres puisqu'ils ont des conséquences concrètes sur les utilisateurices, conséquences positives ou négatives. S'ils n'en avaient pas, on ne passerait pas du temps à les développer, et on ne dépenserait pas d'argent à les déployer. Ces conséquences ne sont pas forcément faciles à déterminer, surtout avant tout déploiement effectif, mais ce RFC peut guider la réflexion et permettre d'identifier les points qui peuvent avoir des conséquences néfastes. Il comprend de nombreux exemples tirés de précédents RFC. Il met à jour partiellement le RFC 8280, dont il reprend la section 6, et s'inspire de la méthode du RFC 6973, qui documentait les conséquences des protocoles sur la vie privée.
La question est évidemment complexe. Les protocoles n'ont pas forcément un pouvoir direct sur ce que les utilisateurices peuvent faire ou pas (c'est l'argument central de ceux qui estiment que les techniques sont neutres : HTTP transférera aussi bien un article de la NASA qu'un texte complotiste sur les extra-terrestres). Leur rôle est plutôt indirect, en ce qu'ils encouragent ou découragent certaines choses, plutôt que d'autoriser ou interdire. Et puis, comme le note le RFC, cela dépend du déploiement. Par exemple, pour le courrier électronique, des faits politiques importants ne s'expliquent pas par le protocole. Ce ne sont pas les particularités de SMTP (RFC 5321) qui expliquent la domination de Gmail par exemple. Il ne faut en effet pas tomber dans le déterminisme technologique (comme le font par exemple les gens qui critiquent DoH) : l'effet dans le monde réel d'un protocole dépend de bien d'autres choses que le protocole.
Ah, et autre point dans l'introduction, la définition des droits humains. Notre RFC s'appuie sur la déclaration universelle des droits humains et sur d'autres documents comme le International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights.
Parmi les droits humains cités dans cette déclaration universelle, nombreux sont ceux qui peuvent être remis en cause sur l'Internet : liberté d'expression, liberté d'association, droit à la vie privée, non-discrimination, etc. L'absence d'accès à l'Internet mène également à une remise en cause des droits humains, par exemple parce que cela empêche les lanceurs d'alerte de donner l'alerte. Les atteintes aux droits humains peuvent être directes (censure) ou indirectes (la surveillance des actions peut pousser à l'auto-censure, et c'est souvent le but poursuivi par les acteurs de la surveillance ; cf. « Chilling Effects: Online Surveillance and Wikipedia Use »). Et les dangers pour les individus ne sont pas seulement « virtuels », ce qui se passe en ligne a des conséquences physiques quand, par exemple, une campagne de haine contre des gens accusés d'attaques contre une religion mène à leur assassinat, ou quand un État emprisonne ou tue sur la base d'informations récoltées en ligne.
C'est pour cela que, par exemple, le conseil des droits humains de l'ONU mentionne que les droits qu'on a dans le monde physique doivent aussi exister en ligne. [La propagande des médias et des politiciens en France dit souvent que « l'Internet est une zone de non-droit » et que « ce qui est interdit dans le monde physique doit aussi l'être en ligne », afin de justifier des lois répressives. Mais c'est une inversion complète de la réalité. En raison des particularités du numérique, notamment la facilité de la surveillance de masse, et de l'organisation actuelle du Web, avec un petit nombre d'acteurs médiant le trafic entre particuliers, les droits humains sont bien davantage menacés en ligne.] Sur la question de l'application des droits humains à l'Internet, on peut aussi lire les « 10 Internet Rights & Principles> » et le « Catalog of Human Rights Related to ICT Activities ».
Comme les droits humains sont précieux, et sont menacés sur l'Internet, l'IETF doit donc veiller à ce que son travail, les protocoles développés, n'aggravent pas la situation. D'où la nécessité, qui fait le cœur de ce RFC, d'examiner les protocoles en cours de développement. Ces examens (reviews, section 3 du RFC) devraient être systématiques et, évidemment, faits en amont, pas une fois le protocole déployé. [En pratique, ces examens ont assez vite été arrêtés, et ce RFC ne reflète donc pas la situation actuelle.]
Vu la façon dont fonctionne l'IETF, il n'y a pas besoin d'une autorité particulière pour effectuer ces examens. Tout·e participant·e à l'IETF peut le faire. Ce RFC 9620 vise à guider les examinateurs (reviewers). L'examen peut porter sur le contenu d'un Internet Draft mais aussi être complété, par exemple, avec des interviews d'experts de la question (les conséquences de tel ou tel paragraphe dans un Internet Draft ne sont pas forcément évidentes à la première lecture, ou même à la seconde) mais aussi des gens qui seront affectés par le protocole en question. Si un futur RFC parle d'internationalisation, par exemple, il ne faut pas interviewer que des anglophones, et pas que des participants à l'IETF, puisque l'internationalisation concerne tout le monde.
Une grosse difficulté, bien sûr, est que le protocole n'est pas tout. Les conditions effectives de son déploiement, et son évolution dans le temps, sont cruciales. Ce n'est pas en lisant le RFC 5733 (ou le RFC 9083) qu'on va tout comprendre sur les enjeux de la protection des données personnelles des titulaires de noms de domaine ! Le RFC 8980 discute d'ailleurs de cette importante différence entre le protocole et son déploiement.
La plus importante section de notre RFC est sans doute la section 4, qui est une sorte de check-list pour les auteur·es de protocoles et les examinateurices. Idéalement, lors de la phase de conception d'un protocole, il faudrait passer toutes ces questions en revue. Bien évidemment, les réponses sont souvent complexes : la politique n'est pas un domaine simple.
Premier exemple (je ne vais pas tous les détailler, rassurez-vous), les intermédiaires. Est-ce que le protocole permet, voire impose, des intermédiaires dans la communication ? C'est une question importante car ces intermédiaires, s'ils ne sont pas sous le contrôle des deux parties qui communiquent, peuvent potentiellement surveiller la communication (risque pour la confidentialité) ou la perturber (risque pour la liberté de communication). Un exemple est l'interception HTTPS (cf. « The Security Impact of HTTPS Interception »). Le principe de bout en bout (RFC 1958 ou bien « End-to-End Arguments in System Design ») promeut plutôt une communication sans intermédiaires, mais on trouve de nombreuses exceptions dans les protocoles IETF (DNS, SMTP…) ou en dehors de l'IETF (ActivityPub), car les intermédiaires peuvent aussi rendre des services utiles. En outre, ces intermédiaires tendent à ossifier le protocole, en rendant plus difficile le déploiement de tout changement (cf. RFC 8446 pour les problèmes rencontrés par TLS 1.3).
Le RFC fait aussi une différence entre intermédiaires et services. Si vous êtes utilisateurice de Gmail, Gmail n'est pas un intermédiaire, mais un service car vous êtes conscient·e de sa présence et vous l'avez choisi. [L'argument me semble avoir des faiblesses : ce genre de services pose exactement les mêmes problèmes que les intermédiaires et n'est pas forcément davantage maitrisé.]
Un bon moyen de faire respecter le principe de bout en bout est
de chiffrer au
maximum. C'est pour cela que QUIC (RFC 9000) chiffre davantage de données que
TLS. C'est aussi pour cela que l'IETF
travaille au chiffrement du SNI (draft-ietf-tls-esni
).
Autre exemple, la connectivité (section 4.2). Car, si on n'a pas accès à l'Internet du tout, ou bien si on y a accès dans des conditions très mauvaises, tout discussion sur les droits humains sur l'Internet devient oiseuse. L'accès à l'Internet est donc un droit nécessaire (cf. la décision du Conseil Constitutionnel sur Hadopi, qui posait le principe de ce droit d'accès à l'Internet). Pour le protocole, cela oblige à se pencher sur son comportement sur des liens de mauvaise qualité : est-ce que ce protocole peut fonctionner lorsque la liaison est mauvaise ?
Un sujet délicat (section 4.4) est celui des informations que le protocole laisse fuiter (l'« image vue du réseau » du RFC 8546). Il s'agit des données qui ne sont pas chiffrées, même avec un protocole qui fait de la cryptographie, et qui peuvent donc être utilisées par le réseau, par exemple pour du traitement différencié (de la discrimination, pour dire les choses franchement). Comme recommandé par le RFC 8558, tout protocole doit essayer de limiter cette fuite d'informations. C'est pour cela que TCP a tort d'exposer les numéros de port, par exemple, que QUIC va au contraire dissimuler.
L'Internet est mondial, on le sait. Il est utilisé par des gens qui ne parlent pas anglais et/ou qui n'utilisent pas l'alphabet latin. Il est donc crucial que le protocole fonctionne pour tout le monde (section 4.5). Si le protocole utilise des textes en anglais, cela doit être de manière purement interne (le GET de HTTP, le Received: de l'IMF, etc), sans être obligatoirement montré à l'utilisateurice. Ce principe, formulé dans le RFC 2277, dit que tout ce qui est montré à l'utilisateur doit pouvoir être traduit. (En pratique, il y a des cas limites, comme les noms de domaine, qui sont à la fois éléments du protocole, et montrés aux utilisateurs.)
Si le protocole sert à transporter du texte, il doit évidemment utiliser Unicode, de préférence encodé en UTF-8. S'il accepte d'autres encodages et/ou d'autres jeux de caractère (ce qui peut être dangereux pour l'interopérabilité), il doit permettre d'étiqueter ces textes, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguité sur leurs caractéristiques. Pensez d'ailleurs à lire le RFC 6365.
Un contre-exemple est le vieux protocole whois (RFC 3912), qui ne prévoyait que l'ASCII et, si on peut l'utiliser avec d'autres jeux de caractères, comme il ne fournit pas d'étiquetage, le client doit essayer de deviner de quoi il s'agit. (Normalement, whois n'est plus utilisé, on a le Web et RDAP, mais les vieilles habitudes ont la vie dure.)
Toujours question étiquetage, notre RFC rappelle l'importance de pouvoir, dans le protocole, indiquer explicitement la langue des textes (RFC 5646). C'est indispensable afin de permettre aux divers logiciels de savoir quoi en faire, par exemple en cas de synthèse vocale.
Le RFC parle aussi de l'élaboration des normes techniques (section 4.7). Par exemple, sont-elles dépendantes de brevets (RFC 8179 et RFC 6701) ? [Personnellement, je pense que c'est une question complexe : les brevets ne sont valables que dans certains pays et, en outre, la plupart des brevets logiciels sont futiles, brevetant des technologies banales et déjà connues. Imposer, comme le proposent certains, de ne normaliser que des techniques sans brevet revient à donner un doit de veto à n'importe quelle entreprise qui brevète n'importe quoi. Par exemple, le RFC 9156 n'aurait jamais été publié si on s'était laissé arrêter par le brevet.]
Mais un autre problème avec les normes techniques concerne leur disponibilité. Si l'IETF, le W3C et même l'UIT publient leurs normes, ce n'est pas le cas de dinosaures comme l'AFNOR ou l'ISO, qui interdisent même la redistribution de normes qu'on a légalement acquises. Si les normes IETF sont de distribution libre, elles dépendent parfois d'autres normes qui, elles, ne le sont pas.
Un peu de sécurité informatique, pour continuer. La section 4.11 traite de l'authentification des données (ce que fait DNSSEC pour le DNS, par exemple). Cette possibilité d'authentification est évidemment cruciale pour la sécurité mais le RFC note qu'elle peut aussi être utilisée négativement, par exemple avec les menottes numériques.
Et il y a bien sûr la confidentialité (section 4.12 mais aussi RFC 6973), impérative depuis toujours mais qui était parfois sous-estimée, notamment avant les révélations Snowden. Les auteur·es de protocoles doivent veiller à ce que les données soient et restent confidentielles et ne puissent pas être interceptées par un tiers. Il y a longtemps que tout RFC doit contenir une section sur la sécurité (RFC 3552), exposant les menaces spécifiques à ce RFC et les contre-mesures prises, entre autre pour assurer la confidentialité. L'IETF refuse, à juste titre, toute limitation de la cryptographie, souvent demandée par les autorités (RFC 1984). Les exigences d'accès par ces autorités (en invoquant des arguments comme la lutte contre le terrorisme ou la protection de l'enfance) ne peuvent mener qu'à affaiblir la sécurité générale puisque ces accès seront aussi utilisés par les attaquants, ou par un État qui abuse de son pouvoir.
Le modèle de menace de l'Internet, depuis longtemps, est que tout ce qui est entre les deux machines situées aux extrémités de la communication doit être considéré comme un ennemi. Pas parce que les intermédiaires sont forcément méchants, loin de là, mais parce qu'ils ont des possibiliés techniques que certains exploiteront et il faut donc protéger la communication car on ne sait jamais ce que tel ou tel intermédiaire fera (RFC 7258 et RFC 7624). Bref, tout protocole doit chiffrer le contenu qu'il transporte (RFC 3365). Aujourd'hui, les principales exceptions à ce principe sont le très vieil whois (RFC 3912) et surtout le DNS qui a, certes, des solutions techniques pour le chiffrement (RFC 7858 et RFC 8484) mais qui sont loin d'être universellement déployées.
Ce chiffrement doit évidemment être fait de bout en bout, c'est-à-dire directement entre les deux machines qui communiquent, afin d'éviter qu'un intermédiaire n'ait accès à la version en clair. Cela pose un problème pour les services store-and-forward comme le courrier électronique (RFC 5321). De même, chiffrer lorsqu'on communique en HTTPS avec Gmail ne protège pas la communication contre Google, seulement contre les intermédiaires réseau ! Relire le RFC 7624 est recommandé.
Question vie privée, le RFC recommande également de faire attention aux métadonnées et à l'analyse de trafic. Les conseils du RFC 6973, section 7, sont ici utiles.
Un sujet encore plus délicat est celui de l'anonymat et du pseudonymat. On sait qu'il n'y a pas réellement d'anonymat sur l'Internet (quoiqu'en disent les politiciens malhonnêtes et les journalistes avides de sensationnalisme), le numérique permettant au contraire de récolter et de traiter beaucoup de traces de la communication. Néanmoins, le protocole doit permettre, autant que possible, de s'approcher de l'anonymat. Par exemple, les identificateurs persistents sont évidemment directement opposés à cet objectif puisqu'ils rendent l'anonymat impossible (rappel important : anonymat ≠ pseudonymat). Au minimum, il faudrait permettre à l'utilisateur de changer facilement et souvent ces identificateurs. Et, bien sûr, ne pas imposer qu'ils soient liés à l'identité étatique. Des exemples d'identificateurs qui sont parfois utilisés sur le long terme sont les adresses IP, les Connection ID de QUIC (un bon exemple d'un protocole qui permet leur changement facilement), les biscuits de HTTP, et les adresses du courrier électronique, certainement très difficiles à changer. Comme le montre l'exemple de ces adresses, les identificateurs stables sont utiles et on ne peut pas forcément les remplacer par des identificateurs temporaires. Ici, le souci de vie privée rentre en contradiction avec l'utilité des identificateurs, une tension courante en sécurité. Le fait qu'on ne puisse en général pas se passer d'identificateurs, à relativement longue durée de vie, est justement une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de vrai anonymat sur l'Internet.
Notons que les politiciens de mauvaise foi et les journalistes incompétents parlent parfois d'anonymat dès qu'un identificateur stable n'est pas l'identité étatique (par exemple quand je crée un compte Gmail « anonymous652231 » au lieu d'utiliser le nom qui est sur ma carte d'identité). Mais tout identificateur stable peut finir par se retrouver lié à une autre identité, peut-être aussi à l'identité étatique, par exemple si deux identificateurs sont utilisés dans le même message. Et certains identificateurs sont particulièrement communs, avec plusieurs usages, ce qui les rend encore plus dangereux pour la vie privée. Le numéro de téléphone, que certaines messageries instantanées imposent, est particulièrement sensible et est donc déconseillé.
Donc, s'il faut utiliser des identificateurs stables, ils doivent au moins pouvoir être des pseudonymes.
D'autres façons de désanonymiser existent, par exemple quand les gens ont bêtement cru que condenser un identificateur n'était pas réversible (cf. l'article « Four cents to deanonymize: Companies reverse hashed email addresses »).
Notre RFC rappelle ainsi les discussions animées qu'avait connu
l'IETF en raison d'un mécanisme d'allocation des adresses
IPv6, qui les faisaient dériver d'un
identificateur stable, l'adresse
MAC, qui permettait de suivre à la trace un
utilisateur mobile. Depuis, le RFC 8981 (et
le RFC 7217 pour les cas où on veut une
stabilité limitée dans l'espace) ont résolu ce problème (le RFC 7721 résume le débat). À noter que l'adresse MAC peut aussi
devenir variable (draft-ietf-madinas-mac-address-randomization
).
Autre exemple où un protocole IETF avait une utilisation imprudente des identificateurs, DHCP, avec ses identificateurs stables qui, certes, n'étaient pas obligatoires mais, en pratique, étaient largement utilisés (RFC 7844).
Une autre question très sensible est celle de la
censure. Le protocole en cours de
développement a-t-il des caractéristiques qui rendent la censure
plus facile ou au contraire plus difficile (section 4.16) ? Par
exemple, si le protocole fait passer par des points bien identifiés
les communications, ces points vont certainement tenter les censeurs
(pensez aux résolveurs DNS et à leur rôle dans la censure…). Les RFC 7754 et RFC 9505 décrivent les
techniques de censure. Elles sont très variées. Par exemple, pour le
Web, le censeur peut agir sur les résolveurs DNS mais aussi bloquer
l'adresse IP ou bien, en faisant du DPI,
bloquer les connexions TLS en regardant le
SNI. Certains systèmes d'accès au contenu,
comme Tor, ou de distribution du
contenu, comme BitTorrent, résistent mieux à
la censure que le Web mais ont d'autres défauts, par exemple en
termes de performance. L'exemple du SNI montre
en tout cas très bien une faiblesse de certains protocoles : exposer
des identificateurs aux tierces parties (qui ne sont aucune des
deux parties qui communiquent) facilite la censure. C'est pour cela
que l'IETF développe ECH
(cf. draft-ietf-tls-esni/
).
Le protocole, tel que normalisé dans un RFC, c'est bien joli, mais il faut aussi tenir compte du déploiement effectif. Comme noté au début, ce n'est pas dans le RFC 5321 qu'on trouvera les causes de la domination de Gmail ! Les effets du protocole dans la nature sont en effet très difficiles à prévoir. La section 4.17 se penche sur cette question et demande qu'on considère, non seulement le protocole mais aussi les effets qu'il aura une fois déployé. [Ce qui, à mon avis, relève largement de la boule de cristal, surtout si on veut tenir compte d'effets économiques. Et les exemples du RFC ne sont pas géniaux, comme de reprocher au courrier sa gratuité, qui encourage le spam. L'exemple de l'absence de mécanisme de paiement sur le Web, qui pousse à développer des mécanismes néfastes comme la publicité, est meilleur.] La section 4.21 traite également ce sujet des conséquences, parfois inattendues, du déploiement d'un protocole.
Le RFC a aussi un mot (section 4.18) sur les questions d'accessibilité, notamment aux handicapés. Cette question, très présente dans les discussions autour des couches hautes du Web (cf. les réunions Paris Web) semble plus éloignée de ce que fait l'IETF mais le RFC cite quand même l'exemple du RFC 9071, sur l'utilisation de RTP dans des réunions en ligne, avec une alternative en texte pour les personnes malentendantes.
L'Internet est aujourd'hui très, trop, centralisé, notamment pour ce qui concerne les services (la connectivité, quoique imparfaitement répartie, est moins dépendante d'un petit nombre d'acteurs). Il est donc utile, lors de la conception d'un protocole, de réfléchir aux caractéristiques du protocole qui risquent d'encourager la centralisation (par exemple par la création d'un, ou d'un petit nombre de points de contrôle). Le RFC 3935 donne explicitement à l'IETF un objectif de promotion de la décentralisation.
En conclusion, même si l'activité organisée d'examen des futurs RFC n'a pas pris, ce RFC reste utile pour réfléchir à l'impact de nos protocoles sur les droits des humains.
Date de publication du RFC : Juillet 2024
Auteur(s) du RFC : R. Bellis (ISC), J. Abley
(Cloudflare)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF dnsop
Première rédaction de cet article le 25 juillet 2024
Dans un message DNS, il y a quatre sections qui peuvent prendre un nombre variable d'enregistrements (resource records). Chaque section est précédée d'un chiffre qui indique ce nombre d'enregistrements. L'une de ces sections indique la question posée. Est-ce que cela a un sens de mettre plusieurs questions dans un message ? Non, répond, ce très court RFC, qui clarifie le RFC 1035 sur ce point.
Regardons une requête DNS avec tshark :
% tshark -V -r dns.pcap … Domain Name System (query) Transaction ID: 0x0dfd Flags: 0x0120 Standard query 0... .... .... .... = Response: Message is a query .000 0... .... .... = Opcode: Standard query (0) … Questions: 1 Answer RRs: 0 Authority RRs: 0 Additional RRs: 1 Queries wylag.de: type A, class IN Name: wylag.de [Name Length: 8] [Label Count: 2] Type: A (Host Address) (1) Class: IN (0x0001) Additional records <Root>: type OPT Name: <Root> Type: OPT (41) UDP payload size: 4096 Higher bits in extended RCODE: 0x00 EDNS0 version: 0 Z: 0x8000 1... .... .... .... = DO bit: Accepts DNSSEC security RRs .000 0000 0000 0000 = Reserved: 0x0000 Data length: 12 Option: COOKIE Option Code: COOKIE (10) Option Length: 8 Option Data: 93c545f2aaf3f12c Client Cookie: 93c545f2aaf3f12c Server Cookie: <MISSING>
Il s'agit d'une requête, pas d'une réponse, donc il est normal que
les sections Answer et Authority soient vides (taille à zéro). La
section Additional n'est pas vide car elle contient l'enregistrement
EDNS. Et la section Question contient un seul
enregistrement, la question (« quelle est l'adresse IPv4 de
wylag.de
? »).
Tout le problème traitée par ce RFC est : que se passe t-il si la section Question d'une requête contient plus d'un enregistrement ? Je divulgâche tout de suite : c'est interdit, il ne faut pas. (Pour le cas des requêtes/réponses ordinaires, avec l'opcode 0 ; d'autres messages DNS peuvent avoir des règles différentes.) La principale raison pour cette interdiction est que, dans la réponse, certains champs sont globaux à toute la réponse (comme le code de réponse, le rcode) et on ne peut donc pas se permettre d'accepter des questions qui risqueraient de nécessiter des réponses différentes. Désormais, un serveur DNS qui voit passer une requête avec un nombre de questions supérieur à 1 doit répondre avec le code de retour FORMERR (format error).
Le RFC 1035, la norme originelle, traitait ce point mais restait flou.
Il y avait une autre façon de régler le problème, en imposant que, s'il y a plusieurs questions, toutes portent sur le même nom de domaine. Cela aurait réglé le doute sur le code de retour et aurait pu être pratique pour des cas comme la demande simultanée de l'adresse IPv4 et IPv6. Mais cette solution a été écartée au profit de la solution plus simple qui était d'interdire les questions multiples. (Et, de toute façon, on ne peut pas garantir que le code de retour sera le même pour tous les types, même si le nom est le même. Pensez aux serveurs DNS générant dynamiquement les données.)
Date de publication du RFC : Septembre 2024
Auteur(s) du RFC : B. Jonglez (ENS Lyon), J. Chroboczek (IRIF, Université Paris Cité)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF babel
Première rédaction de cet article le 14 septembre 2024
Voici un RFC sur le protocole de routage Babel. Il normalise une extension au protocole pour tenir compte du RTT, le temps d'aller-retour sur un segment du réseau. C'est l'occasion de revenir sur ce critère de routage, souvent cité mais rarement utilisé (et pour de bonnes raisons).
On lit parfois des affirmations rapides comme « les routeurs Internet choisissent la route la plus rapide ». Outre que « rapide » n'a pas de définition précise (parle-t-on de la latence ? De la capacité ?), la phrase est fausse : le routage se fait sur des critères nettement moins dynamiques. Dans le cas de BGP, ce sont en bonne partie des critères de business. Das le cas d'un IGP, des critères de performance sont pris en compte, mais en se limitant à des critères assez statiques. En effet, si on prend en compte naïvement une variable très dynamique, qui change souvent, comme l'est le RTT, on risque d'avoir un routage très instable : un lien est peu utilisé, ses performances sont bonnes, les routeurs vont y envoyer tout le trafic, ses performances vont chuter, les routeurs vont tout envoyer ailleurs, les performances vont remonter, les routeurs vont encore changer d'avis, etc. Tenir compte des performances immédiates du lien est donc une fausse bonne idée ou, plus précisément, ne doit pas être fait naïvement.
C'est justement ce que fait ce RFC qui explique comment utiliser intelligemment un critère très mouvant, le RTT (la latence, mais mesurée en aller-retour), pour le choix des routes dans Babel. Babel est un protocole de routage de type IGP, normalisé dans le RFC 8966, surtout prévu pour des réseaux sans administration centrale.
Si par exemple (section 1 du RFC), une machine A à Paris a deux moyens de joindre une machine D également à Paris, une des routes passant par un routeur B à Paris et une autre par un routeur C à Tokyo, il est assez évident qu'il vaut mieux rester à Paris. Mais ce n'est pas forcément ce que feront les mises en œuvre de Babel, qui se disent simplement que les deux routes ont le même nombre de segments (deux). Bien sûr, attribuer manuellement des préférences aux segments résoudrait le problème (un lien vers le Japon est plus « cher ») mais l'un des buts de Babel est de ne pas requérir de configuration manuelle par un administrateur réseaux.
Utiliser le RTT, qui est relativement facile à évaluer (mais continuez la lecture : il y a des pièges) semble une solution évidente. Mais, comme dit plus haut, cela peut mener à de violentes instabilités du routage. Il faut donc évaluer le RTT, puis le traiter avant de l'utiliser, pour éviter des oscillations du routage. Et attention, la latence n'est pas toujours le meilleur critère de choix, d'autres, comme le coût monétaire, peuvent être pris en compte, par exemple pour privilégier un lien WiFi sur un lien 5G. Babel n'impose pas de critère unique de choix des routes.
Cette extension ne nécessite pas que les différents routeurs aient une horloge synchronisée (ce qui serait difficile à faire dans un réseau sans administration), juste que les horloges ne dérivent pas trop vite l'une par rapport à l'autre. D'autre part, comme l'algorithme essaie de limiter les oscillations de routes, il ne s'ajustera pas instantanément aux changements, et ne sera donc pas optimal dans tous les cas.
Commençons par l'évaluation du RTT. Il ne suffit pas de soustraire le temps de départ d'une question au temps d'arrivée d'une réponse, entre autre parce que la génération de la réponse peut prendre du temps (et puis un routeur Babel n'est pas obligé de répondre à tous les messages Hello). Et rappelez-vous que cette extension n'impose pas une synchronisation des horloges. L'algorithme est donc un peu plus compliqué, c'est celui créé par Mills et utilisé entre autres pour NTP. Un routeur nommé Alice qui envoie un message Hello (RFC 8966, section 3.4.1) ajoute à ces messages le temps de départ, appelé t1. Le routeur nommé Bob le reçoit à un temps t1'. Comme les horloges ne sont pas forcément synchronisées, on ne peut pas comparer directement t1 et t1'. Au lieu de cela, Bob, quand il enverra un message Babel IHU (I Heard yoU) indiquera à la fois t1 et t1' dans ce message, ainsi que le temps t2' d'émission. Alice, recevant ce message, n'aura qu'à calculer (t2 - t1) - (t2' - t1') et aura ainsi le RTT, même si les horloges sont différentes (tant qu'elles ne dérivent pas trop dans l'intervalle entre t1 et t2). Bon, j'ai simplifié, mais vous avez tous les détails dans le RFC, section 3.2.
Notez que cet algorithme impose aux deux routeurs de garder des informations supplémentaires sur leurs voisins, dans la table documentée dans la section 3.2.4 du RFC 8966. Celle-ci devra stocker les estampilles temporelles reçues.
Ces estampilles étant stockées sur 32 bits et ayant une
résolution en microsecondes, elles reviendront à zéro toutes les 71
minutes. Le routeur doit donc prendre garde à ignorer les
estampilles situées dans son futur (par exemple s'il a redémarré et
perdu la notion du temps) ou trop éloignées. Sur un système
POSIX, le routeur peut donc utiliser
clock_gettime(CLOCK_MONOTONIC)
.
Bon, désormais, nous avons le RTT. Qu'en faire ? Comme indiqué plus haut, il ne faut pas l'utiliser tel quel comme critère de sélection des routes, sous peine d'osccilations importantes des tables de routage. Il y a plusieurs opérations à faire (section 4). D'abord, il faut lisser le RTT, éliminant ainsi les cas extrêmes. Ainsi, on va utiliser la formule RTT ← α RTT + (1 - α) RTTn, où RTTn désigne la mesure qu'on vient juste de faire, et où la constante α a une valeur recommandée de 0,836. (Les détails figurent dans l'article « A delay-based routing metric ».)
Ensuite, pour nourrir l'algorithme de choix des routes, il faut convertir ce RTT en un coût. La fonction est simple : de 0 à une valeur rtt-min, le coût est constant, il augmente ensuite linéairement vers une valeur maximale, atteinte pour un RTT égal à rtt-max, et constante ensuite. Les valeurs par défaut recommandées sont de 10 ms pour rtt-min et 150 ms pour rtt-max. En d'autres termes, sur l'Internet, tout RTT inférieur à 10 ms est bon, tout RTT supérieur à 150 ms est à éviter autant que possible.
Enfin, car il reste encore des variations, la section 4 sur les traitements du RTT se termine en demandant l'application d'un mécanisme d'hystérésis, comme celui du RFC 8966, annexe A.3.
Le format des paquets, maintenant. Rappelons que Babel encode les données en TLV et permet des sous-TLV (la valeur d'un TLV est elle-même un TLV). Un routeur doit ignorer les sous-TLV qu'il ne comprend pas, ce qui permet d'ajouter des nouvelles informations sans risque (section 5).
Donc, notre RFC normalise le sous-TLV Timestamp (type 3), qui permet de stocker les estampilles temporelles, et peut apparaitre sous les sous-TLV Hello et IHU. Dans le premier cas, il stockera juste une valeur (t1 ou t2' dans l'exemple plus haut), dans le second, deux valeurs (t1 et t1' dans l'exemple plus haut).
La mise en œuvre « officielle » de Babel a, dans sa version de
développement, la capacité de déterminer ces RTT (option
enable-timestamps
dans la configuration).
Date de publication du RFC : Juin 2024
Auteur(s) du RFC : T. Reddy.K (Nokia), M. Boucadair
(Orange)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF add
Première rédaction de cet article le 18 août 2024
Traditionnellement, tous les résolveurs DNS fournissaient un service équivalent. Le client avait un résolveur configuré, soit statiquement, soit via DHCP, et ne se souciait pas vraiment du résolveur ainsi désigné, tous étaient pareils. Aujourd'hui, ce n'est plus vraiment le cas : les résolveurs fournissent des services très différents, par exemple en matière de chiffrement, ou de blocage de certains noms. Il est donc utile que le client puisse se renseigner sur son résolveur, ce que permet cette nouvelle technique, le type de données RESINFO, que le client va récupérer dans le DNS.
Voici une liste (non-limitative !) des caractéristiques d'un résolveur et qui peuvent être présentes ou pas :
Avant la solution de ce RFC, la seule manière pour le client DNS de savoir ce que son résolveur proposait était manuelle, en lisant des documentations (cf. par exemple celle de mon résolveur). Ce n'est pas pratique quand la configuration du résolveur est automatique ou semi-automatique, via DHCP, ou avec les solutions des RFC 9462 et RFC 9463.
Ce nouveau RFC propose donc un mécanisme qui permet au client de découvrir les caractéristiques d'un résolveur et de les analyser, avant de décider quel résolveur choisir. (Un point important est que ce RFC se veut neutre : il ne dit pas quelles sont les bonnes caractéristiques d'un résolveur, le client reçoit une information, il est libre de l'utiliser comme il veut.)
Place à la technique (section 3 du RFC) : un nouveau type de
données DNS est défini, RESINFO (code
261). Son contenu est l'information recherchée, sous forme de
couples clé=valeur. Le nom de domaine auquel il est rattaché est le
nom du résolveur, récupéré par les méthodes des RFC 9462 et RFC 9463, ou manuellement
configuré. Ce nom est désigné par le sigle ADN, pour
Authentication Domain Name (RFC 9463, section 3.1.1). Si on a utilisé le nom spécial
resolver.arpa
(RFC 9462,
section 4), on peut lui demander son RESINFO.
Le format du RESINFO (section 4 du RFC) est copié sur celui des enregistrements TXT. Chaque chaine de caractères suit le modèle clé=valeur du RFC 6763, section 6.3. Les clés inconnues doivent être ignorées, ce qui permettra dans le futur d'ajouter de nouvelles clés au registre des clés. Un exemple d'enregistrement RESINFO :
resolver IN RESINFO "qnamemin" "exterr=15,17" "infourl=https://resolver.example.com/guide"
Il indique (section 5, sur la signification des clés) que ce résolveur fait de la minimisation des requêtes (RFC 9156), et notez que cette clé n'a pas de valeur, c'est juste un booléen dont la présence indique la QNAME minimisation. L'enregistrement continue en donnant les codes EDE (Extended DNS Errors, RFC 8914) que peut renvoyer le résolveur. C'est surtout utile pour indiquer ce qu'il bloque (15 = bloqué par décision de l'administrateurice du résolveur, 17 = bloqué par demande de l'utilisateurice). Et enfin il donne un URL où on peut aller chercher davantage d'information en langue naturelle.
La section 7 du RFC donne quelques conseils de sécurité : avoir
un lien sécurisé avec le résolveur qu'on interroge (par exemple avec
DoT), pour éviter qu'un méchant ne modifie le
RESINFO, et valider la réponse avec DNSSEC (sauf pour
resolver.arpa
, qui est un cas spécial).
La section 8 précise le registre
des clés disponibles. Pour ajouter des clés (on note qu'à
l'heure actuelle, il n'y en a pas pour indiquer la disponibilité de
DoT ou DoH, ou pour la politique de conservation des
requêtes), la procédure est « spécification nécessaire » (RFC 8126). Si on veut des clés non normalisées, on
doit les préfixer par temp-
.
RESINFO est récent et donc pas forcément mis en œuvre dans tous les logiciels DNS que vous utilisez. Un dig récent fonctionne :
% dig dot.bortzmeyer.fr RESINFO … ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 34836 ;; flags: qr rd ra ad; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 … ;; ANSWER SECTION: dot.bortzmeyer.fr. 86369 IN CNAME radia.bortzmeyer.org. radia.bortzmeyer.org. 86369 IN RESINFO "qnamemin" "infourl=https://doh.bortzmeyer.fr/policy" ;; Query time: 0 msec ;; SERVER: 192.168.2.254#53(192.168.2.254) (UDP) ;; WHEN: Sun Aug 18 08:15:55 UTC 2024 ;; MSG SIZE rcvd: 142
Si vous avez un dig plus ancien, il faudra demander TYPE261 et pas RESINFO. Notez que, physiquement, un RESINFO est juste un TXT, ce qui facilite sa mise en œuvre (dans le futur dnspython, la classe RESINFO hérite simplement de TXT).
Trouve-t-on beaucoup de RESINFO dans la nature ? La plupart des grands résolveurs DNS publics ne semblent pas en avoir. Une exception est DNS4ALL :
% dig +short dot.dns4all.eu RESINFO "qnamemin exterr=0-1,3,5-12,18,20 infourl=https://dns4all.eu"
Et, comme vous le voyez plus haut, j'en ai mis un dans mon résolveur. Le logiciel du serveur primaire ne connaissant pas encore ce type, j'ai utilisé la technique des types inconnus du RFC 3597 :
; Pour le résolveur public : ; Type RESINFO (RFC 9606), enregistré à l'IANA mais pas encore connu des logiciels radia IN TYPE261 \# 50 08716e616d656d696e 28696e666f75726c3d68747470733a2f2f646f682e626f72747a6d657965722e66722f706f6c696379
Cette série de chiffres hexadécimaux ayant été produite à partir de
la version texte et du programme
. On note que, comme
ce résolveur public n'est pas menteur, je n'indique pas d'EDE
(Extended DNS Errors, RFC 8914).
text-to-unknown-txt-type.py
Date de publication du RFC : Août 2024
Auteur(s) du RFC : C. Bormann (Universität Bremen TZI), B. Gamari (Well-Typed), H. Birkholz (Fraunhofer SIT)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF cbor
Première rédaction de cet article le 17 août 2024
Ce RFC ajoute au format de données binaire CBOR la possibilité de stocker des données temporelles plus détaillées, incluant par exemple l'échelle utilisée (UTC ou TAI), ou bien ayant une précision supérieure.
Petit rappel : CBOR est normalisé dans le RFC 8949, il incluait deux étiquettes pour les données temporelles, permettant d'indiquer date et heure en format lisible par un humain, et sous forme d'un nombre de secondes depuis l'epoch, avec une résolution d'une seconde. Le RFC 8943 y ajoute les dates (sans indication de l'heure). Au passage, le concept d'étiquette en CBOR est normalisé dans la section 3.4 du RFC 8949.
Notre nouveau RFC 9581 ajoute :
Ces nouvelles étiquettes ont été ajoutées au registre des étiquettes CBOR. Les clés possibles pour les dictionnaires indiquant les temps étendus sont dans un nouveau registre à l'IANA. Ajouter une entrée à ce registre nécessite un RFC et un examen par un expert.
Un service sur ce blog,
permet d'obtenir plusieurs valeurs
utilisant ces formats. Si nous utilisons le gem
Ruby cbor-diag, nous
voyons :
https://www.bortzmeyer.org/apps/date-in-cbor
% curl -s https://www.bortzmeyer.org/apps/date-in-cbor | cbor2diag.rb ["Current date in CBOR, done with Python 3.11.2 (main, Mar 13 2023, 12:18:29) [GCC 12.2.0] and the flunn library <https://github.com/funny-falcon/flunn>", 0("2024-04-17T14:21:07Z"), 1(1713363667), 100(19830), 1004("2024-04-17"), 1001({1: 1713363667, -1: 0, -9: 193986759}), 1001({1: 1713363704, -1: 1}), "Duration since boot: ", 1002({1: 1742903})]
On voit alors successivement :
Question programmation, le service a été écrit en
Python. Ce langage a une fonction
time_ns
,
qui permet d'obtenir les nanosecondes. Pour le TAI, cela a été un
peu plus difficile, la machine doit être configurée spécialement.
Date de publication du RFC : Juillet 2024
Auteur(s) du RFC : P. Wouters (Aiven), D. Huigens
(Proton AG), J. Winter
(Sequoia-PGP), Y. Niibe (FSIJ)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF openpgp
Première rédaction de cet article le 1 août 2024
Dernière mise à jour le 2 août 2024
Le logiciel PGP est synonyme de cryptographie pour beaucoup de gens. Un des plus anciens et des plus utilisés pour les fonctions de confidentialité mais aussi d'authentification. Le format de PGP, OpenPGP, est normalisé dans ce RFC, qui remplace le RFC 4880 (il n'y a pas de changement crucial, juste une mise à jour longtemps attendue).
PGP a vu son
format de données normalisé pour la première fois en août 1996, dans
le RFC 1991. Cette norme a été révisée par la suite, dans
le RFC 2440, puis le RFC 4880, puis par des RFC ponctuels (comme les RFC 5581 et RFC 6637, désormais inclus)
et notre RFC est la dernière version, qui synthétise tout. Sa
gestation a été longue et douloureuse et a suscité des controverses,
menant à un projet concurrent, LibrePGP (qui prévoit son propre
RFC, actuellement draft-koch-librepgp
,
que j'avoue n'avoir pas lu).
Cette normalisation permet à diverses mises en œuvre de PGP d'interopérer. La plus connue aujourd'hui est la seule libre, GNU Privacy Guard (qui n'existait pas encore au moment de la publication du premier RFC). Il ne faut donc pas confondre le logiciel PGP, écrit à l'origine par Phil Zimmermann, et qui est non-libre, avec le format OpenPGP que décrit notre RFC (cf. section 1.1) et que des logiciels autres que PGP peuvent lire et écrire.
Le principe du chiffrement avec PGP est simple. Une clé de session (le terme est impropre puisqu'il n'y a pas de session au sens de TLS mais c'est celui utilisé par le RFC) est créée pour chaque destinataire, elle sert à chiffrer le message et cette clé est chiffrée avec la clé publique du destinataire (section 2.1 du RFC).
Pour l'authentification, c'est aussi simple conceptuellement. Le message est condensé et le condensé est chiffré avec la clé privée de l'émetteur (section 2.2 du RFC).
Le format OpenPGP permet également la compression (qui améliore la sécurité en supprimant les redondances) et l'encodage en Base64 (RFC 4648), baptisé ASCII armor, pour passer à travers des logiciels qui n'aiment pas le binaire (la section 6 détaille cet encodage).
La section 3 explique les éléments de base utilisés par le format PGP. L'un des plus importants est le concept d'entier de grande précision (MPI pour Multi-Precision Integers), qui permet de représenter des entiers de très grande taille, indispensables à la cryptographie, sous forme d'un doublet longueur + valeur.
Enfin les sections 4 et 5 expliquent le format lui-même. Un message PGP est constitué de paquets (rien à voir avec les paquets réseau). Chaque paquet a un type, une longueur et un contenu. Par exemple, un paquet de type 1 est une clé de session chiffrée, un paquet de type 2 une signature, un paquet de type 9 du contenu chiffré, etc.
La section 7 du RFC décrit un type de message un peu particulier, qui n'obéit pas à la syntaxe ci-dessus, les messages en clair mais signés. Ces messages ont l'avantage de pouvoir être lus sans avoir de logiciel PGP. Ils nécessitent donc des règles spéciales.
On notera que gpg
permet d'afficher les paquets présents dans un message PGP, ce qui
est pratique pour l'apprentissage ou le débogage. Voyons un exemple
avec un fichier test.txt
de 17 octets, signé
mais non chiffré (j'ai un peu simplifié la sortie du logiciel) :
% gpg --list-packets test.gpg :compressed packet: algo=2 :onepass_sig packet: keyid 3FA836C996A4A254 version 3, sigclass 0x00, digest 10, pubkey 1, last=1 :literal data packet: mode b (62), created 1721800388, name="test.txt", raw data: 17 bytes :signature packet: algo 1, keyid 3FA836C996A4A254 version 4, created 1721800388, md5len 0, sigclass 0x00 digest algo 10, begin of digest 2b d9 hashed subpkt 33 len 21 (issuer fpr v4 C760CAFC6387B0E8886C823B3FA836C996A4A254) hashed subpkt 2 len 4 (sig created 2024-07-24) subpkt 16 len 8 (issuer key ID 3FA836C996A4A254) data: [4096 bits]
Malheureusement, gpg n'affiche pas les valeurs numériques des types, telles que listées par le RFC. Mais les noms qu'il utilise sont les mêmes que dans le RFC, on peut donc facilement trouver la section qui explique ce qu'est un "onepass_sig packet" (section 5.4).
Avec un message chiffré, on obtient :
% gpg --list-packets test.txt.gpg gpg: encrypted with 4096-bit RSA key, ID 9045E02757F02AA1, created 2014-02-09 "Stéphane Bortzmeyer (Main key) <stephane@bortzmeyer.org>" gpg: encrypted with 2048-bit RSA key, ID 516CB37B336525BB, created 2009-12-15 "ISC Security Officer <security-officer@isc.org>" gpg: decryption failed: No secret key :pubkey enc packet: version 3, algo 1, keyid 516CB37B336525BB data: [2046 bits] :pubkey enc packet: version 3, algo 1, keyid 9045E02757F02AA1 data: [4096 bits] :encrypted data packet: length: 78 mdc_method: 2
Conformément au principe d'agilité cryptographique (RFC 7696), le format OpenPGP n'est pas lié à un algorithme cryptographique particulier, et permet d'en ajouter de nouveaux. La section 15 détaille comment demander à l'IANA d'ajouter de nouveaux paramètres dans les registres PGP.
L'annexe B, quant à elle, énumère les principaux changements depuis le RFC 4880. Ce dernier RFC a été publié il y a plus de seize ans mais son remplacement par notre nouveau RFC 9580 a été une opération longue et difficile, et les changements se sont accumulés (Daniel Huigens en a fait un bon résumé). Ceci dit, le format OpenPGP ne change pas radicalement, et l'interopérabilité avec les anciens programmes est maintenue. Parmi les principales modifications :
Enfin, un grand nombre d'errata ont été traités (la liste complète est dans l'annexe D).
Date de publication du RFC : Avril 2024
Auteur(s) du RFC : R. Arends (ICANN), M. Larson
(ICANN)
Chemin des normes
Première rédaction de cet article le 27 avril 2024
Lorsqu'un résolveur DNS détecte un problème avec une zone, l'empêchant de résoudre les noms dans cette zone, il n'avait pas de moyen simple et automatique de prévenir les gérants des serveurs faisant autorité pour cette zone. Leur envoyer un message en utilisant l'information dans l'enregistrement SOA ou les adresses classiques du RFC 2142 ? Mais, justement, si la zone ne marche pas, le courrier ne partira pas forcément. Ce nouveau RFC propose un nouveau système. Les serveurs faisant autorité annoncent un domaine (qui marche, espérons-le), qui acceptera des requêtes DNS spéciales signalant le problème.
Cela dépend évidemment du problème pratique qui se pose. Si la zone n'a aucun serveur faisant autorité qui marche, il n'y a évidemment rien à faire. Mais s'ils marchent, tout en servant des données problématiques (par exemple des signatures DNSSEC expirées), alors, le résolveur pourra agir. Les serveurs faisant autorité mettent dans leurs réponses une option EDNS qui indique le domaine qui recevra les rapports (cela doit être un autre domaine, qui n'a pas de problème), le résolveur fera alors une requête DNS se terminant par le nom du domaine de signalement, et encodant le problème. L'agent, le domaine de signalement, pourra alors récolter ces requêtes et savoir qu'il y a un problème. Cela ne traite pas tous les cas (il faudra toujours utiliser RDAP ou whois pour récolter des informations sur les contacts du domaine erroné, puis leur écrire depuis un autre réseau) mais c'est simple, léger et automatisable. Les gérants de domaine sérieux, qui prennent au sérieux les signalements de problèmes techniques (soit 0,00001 % des domaines) pourront alors agir. (Note si vous gérez un résolveur et que vous constatez un problème avec un domaine et que les contacts ne répondent pas : un message méchant sur Twitter est souvent plus efficace.)
Donc, les détails techniques : le domaine qui veut recevoir les éventuels signalements va devoir configurer ses serveurs faisant autorité pour renvoyer une option EDNS, de numéro 18 (section 5 du RFC), indiquant l'agent, c'est-à-dire le domaine qui va recevoir les signalements (il faut évidemment veiller à ce qu'il n'ait pas de point de défaillance commun avec le domaine surveillé). Notez que cette option est systématiquement envoyée, le client (le résolveur) n'a pas à dire quoi que ce soit (la question avait fait l'objet d'un sérieux débat à l'IETF).
En cas de problème, notamment DNSSEC, le résolveur qui a noté le problème va alors construire un nom de domaine formé, successivement (section 6.1.1) par :
_er
,_er
(oui, encore),
Par exemple, si le domaine dyn.bortzmeyer.fr
annonce comme agent report.dyn.sources.org
, et
qu'un résolveur découvre des signatures DNSSEC expirées (EDE 7) en
cherchant à résoudre hello.dyn.bortzmeyer.fr /
TXT
(TXT a la valeur 16), la
requête de signalement du résolveur sera
_er.16.hello.dyn.bortzmeyer.fr.7._er.report.dyn.sources.org
(ouf). Le type demandé est TXT. Lorsque cette requête
arrivera au serveur faisant autorité pour
report.dyn.sources.org
, il pourra enregistrer
qu'il y a eu un problème, et mettre cette information à la
disposition de son administrateur système.
Ce serveur faisant autorité est censé répondre au signalement avec une réponse de type TXT comme ici :
% dig _er.16.hello.dyn.bortzmeyer.fr.7._er.report.dyn.sources.org TXT … ;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 12032 ;; flags: qr rd ra ad; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 1 … ;; ANSWER SECTION: _er.16.hello.dyn.bortzmeyer.fr.7._er.report.dyn.sources.org. 30 IN TXT "Thanks for the report of error 7 on hello.dyn.bortzmeyer.fr" …
L'agent peut ensuite être interrogé, par des méthodes propres à la mise en œuvre utilisée :
% echo report | socat - UNIX-CONNECT:/home/drink/drink.sock REPORT state: hello.dyn.bortzmeyer.fr, 7 ip.dyn.bortzmeyer.fr, 7
Ici, on voit que deux domaines ont été signalés comme ayant des signatures expirées (rassurez-vous, c'était juste des tests). Le nombre de signalements n'est pas indiqué, ni la source des signalements (travail futur).
Quelques petits points de sécurité à garder en tête (section 9 du RFC) :
Cette technique a été mise en œuvre dans Drink lors d'un hackathon IETF. Drink peut à la fois signaler un domaine agent, et être serveur pour un domaine agent.
Un exemple de signalisation EDNS de cette option, vu la version de développement de Wireshark (merci à Alexis La Goutte) :
Date de publication du RFC : Mai 2024
Auteur(s) du RFC : K. Davis (Cisco Systems), B. Peabody (Uncloud), P. Leach (University of Washington)
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF uuidrev
Première rédaction de cet article le 12 mai 2024
Ce RFC normalise les UUID, une famille d'identificateurs uniques, obtenus sans registre central. Il remplace l'ancienne norme, le RFC 4122, avec pas mal de nouveautés et un RFC complètement refait.
Les UUID, également connus autrefois sous le nom de GUID (Globally Unique IDentifiers), sont issus à l'origine du système des Apollo, adopté ensuite dans la plate-forme DCE. Les UUID ont une taille fixe, 128 bits, et sont obtenus localement, par exemple à partir d'un autre identificateur unique comme un nom de domaine, ou bien en tirant au hasard, la grande taille de leur espace de nommage faisant que les collisions sont très improbables (section 6.7 du RFC). Ce RFC reprend la spécification (bien oubliée aujourd'hui) de DCE de l'Open Group (ex-OSF) et ajoute la définition d'un espace de noms pour des URN (sections 4 et 7). (Il existe aussi une norme ITU sur les UUID et un registre des UUID, pour ceux qui y tiennent.)
Les UUID peuvent donc convenir pour identifier une entité sur le réseau, par exemple une machine mais aussi, vu leur nombre, comme identificateur unique pour des transactions (ce qui était un de leurs usages dans DCE). En revanche, ils ne sont pas résolvables, contrairement aux noms de domaine. Mais ils sont présents dans beaucoup de logiciels (Windows, par exemple, les utilise intensivement). On les utilise comme clé primaire dans les bases de données, comme identificateur de transaction, comme nom de machine, etc.
Les UUID peuvent se représenter sous forme d'un nombre binaire de
128 bits (la section 5 du RFC décrit les différents champs qui
peuvent apparaitre) ou bien sous forme texte. Sur
Unix, on peut fabriquer un UUID avec la
commande uuidgen
, qui affiche la représentation
texte standard que normalise notre RFC (section 4) :
% uuidgen 317e8ed3-1428-4ef1-9dce-505ffbcba11a % uuidgen ec8638fd-c93d-4c6f-9826-f3c71436443a
Sur Linux, vous pouvez aussi simplement
faire cat /proc/sys/kernel/random/uuid
. Sur une machine FreeBSD, un UUID de la
machine est automatiquement généré (par le script
/etc/rc.d/hostid
) et stocké dans le fichier
/etc/hostid
.
Pour l'affichage sous forme d'URN (RFC 8141), on ajoute
juste l'espace uuid
par exemple
urn:uuid:ec8638fd-c93d-4c6f-9826-f3c71436443a
. Il
a été ajouté au registre
IANA des espaces de noms des URN.
La section 4 du RFC détaille le format de l'UUID. En dépit des apparences, l'UUID n'est pas plat, il a une structure, mais il est très déconseillé aux applications de l'interpréter (section 6.12). Un des champs les plus importants est le champ Version (qui devrait plutôt s'appeler Type) car il existe plusieurs types d'UUID :
Ces différents types / versions figurent dans un registre IANA. Ce registre ne peut être modifié que par une action de normalisation (cf. RFC 8126).
uuidgen, vu plus haut, peut générer des UUID de
version 1 option -t
, de version 3
(-m
), de version 4 (c'est son comportement par
défaut, mais on peut utiliser l'option -r
si on
veut être explicite) ou de version 5 (-s
). Ici,
on voit les UUID fondés sur une estampille temporelle (version 1)
augmenter petit à petit :
% uuidgen -t 42ff1626-0fc7-11ef-8162-49e9505fb2f3 % uuidgen -t 4361fae8-0fc7-11ef-8162-49e9505fb2f3 % uuidgen -t 45381d02-0fc7-11ef-8162-49e9505fb2f3
Ici, dans le cas d'un UUID fondé sur un nom (version 3), l'UUID est stable (essayez chez vous, vous devriez obtenir le même résultat que moi), une propriété importante des UUID de version 3 et 5 :
% uuidgen -m -n @dns -N foobar.example 8796bf1a-793c-3c44-9ec5-a572635cd3d4 % uuidgen -m -n @dns -N foobar.example 8796bf1a-793c-3c44-9ec5-a572635cd3d4
Les espaces de noms sont enregistrés dans un
registre IANA, d'autres peuvent être ajoutés si on écrit une spécification
(cf. RFC 8126). Notez que chaque espace a son
UUID (6ba7b810-9dad-11d1-80b4-00c04fd430c8
pour
l'espace DNS).
Les UUID de version 6 et 7, nouveautés de ce RFC 9562, ne sont pas mis en œuvre par uuidgen, ni d'ailleurs par beaucoup d'autres programmes.
Les sections 6.1 et 6.2, elles, décrivent le processus de génération d'un UUID à base temporelle. Idéalement, il faut utiliser une graine enregistrée sur le disque (pour éviter de générer des UUID identiques) ainsi que l'instant de la génération. Mais lire sur le disque prend du temps (alors qu'on peut vouloir générer des UUID rapidement, par exemple pour identifier des transactions) et l'horloge de la machine n'a pas toujours une résolution suffisante pour éviter de lire deux fois de suite le même instant. Ces sections contiennent donc également des avis sur la génération fiable d'UUID, par exemple en gardant en mémoire le nombre d'UUID générés, pour les ajouter à l'heure.
La section 8, consacrée à la sécurité, rappelle qu'un UUID ne doit pas être utilisé comme capacité (car il est trop facile à deviner) et qu'il ne faut pas demander à un humain de comparer deux UUID (ils se ressemblent trop pour un œil humain).
Il est évidemment recommandé d'utiliser les UUID de version 5 plutôt que de version 3 (RFC 6151) mais SHA-1 a aussi ses problèmes (RFC 6194) et, de toute façon, pour la plupart des utilisations des UUID, les faiblesses cryptographiques de MD5 et de SHA-1 ne sont pas gênantes.
La section 2.1 du RFC détaille les motivations pour la mise à jour du RFC 4122 et quels sont les changements effectués. Certaines utilisations des UUID ont remis en cause des suppositions originales. Ainsi, les UUID sont souvent utilisés dans un contexte réparti, où leur capacité à être uniques sans registre central est très utile. Mais quelques points manquaient au RFC 4122 :
Seize mises en œuvre des UUID ont été étudiées pour préparer le nouveau RFC (vous avez la liste dans la section 2.1), menant aux constations suivantes :
En Python, il existe un module UUID qui offre des fonctions de génération d'UUID de différentes versions (mais pas les plus récentes) :
import uuid myuuid = uuid.uuid1() # Version 1, Time-based UUID heruuid = uuid.uuid3(uuid.NAMESPACE_DNS, "foo.bar.example") # Version # 3, Name-based ("hash-based") UUID, a name hashed by MD5 otheruuid = uuid.uuid4() # Version 4, Random-based UUID yetanotheruuid = uuid.uuid5(uuid.NAMESPACE_DNS, "www.example.org") # Version 5, a name hashed by SHA1 if (myuuid == otheruuid or \ myuuid == heruuid or \ myuuid == yetanotheruuid or \ otheruuid == yetanotheruuid): raise Exception("They are equal, PANIC!") print(myuuid) print(heruuid) # Will always be the same print(otheruuid) print(yetanotheruuid) # Will always be the same
Et comme le dit la documentation, Note that uuid1() may compromise privacy since it creates a UUID containing the computer’s network address. (méthode de génération des UUID version 1 qui est désormais déconseillée).
Le SGBD PostgreSQL inclut un type UUID. Cela évite de stocker les UUID sous leur forme texte, ce qui est techniquement absurde et consomme 288 bits au lieu de 128 (section 6.13 du RFC).
essais=> CREATE TABLE Transactions (id uuid, value INT); CREATE TABLE essais=> INSERT INTO Transactions VALUES ('74738ff5-5367-5958-9aee-98fffdcd1876', 42); INSERT 0 1 essais=> INSERT INTO Transactions VALUES ('88e6441b-5f5c-436b-8066-80dca8222abf', 6); INSERT 0 1 essais=> INSERT INTO Transactions VALUES ('Pas correct', 3); ERROR: invalid input syntax for type uuid: "Pas correct" LINE 1: INSERT INTO Transactions VALUES ('Pas correct', 3); ^ -- PostgreSQL peut seulement générer la version 4, les aléatoires essais=> INSERT INTO Transactions VALUES (gen_random_uuid () , 0); INSERT 0 1 essais=> SELECT * FROM Transactions; id | value --------------------------------------+------- 74738ff5-5367-5958-9aee-98fffdcd1876 | 42 88e6441b-5f5c-436b-8066-80dca8222abf | 6 41648aef-b123-496e-8a4c-52e573d17b6a | 0 (3 rows)
Attention, le RFC (section 6.13) déconseille l'utilisation des UUID fondés sur un nom pour servir de clé primaire dans la base de données, sauf si on est absolument certain (mais c'est rare) que les noms ne changeront pas.
Il existe plusieurs exemples d'utilisation des UUID. Par exemple,
Linux s'en sert pour identifier les disques
attachés à la machine, de préférence à l'ancien système où l'ajout
d'un nouveau disque pouvait changer l'ordre des numéros sur le bus et
empêcher le système de trouver un disque. Un
/etc/fstab
typique sur Linux contient donc
des :
UUID=da8285a0-3a70-413d-baed-a1f48d7bf7b2 /home ext3 defaults ...
plutôt que les anciens :
/dev/sda3 /home ext3 defaults
car sda3
n'est pas un identificateur
stable. L'UUID, lui, est dans le système de fichiers et ne changera
pas avec les changements sur le bus. On peut
l'afficher avec dumpe2fs :
# dumpe2fs -h /dev/sda3 ... Filesystem UUID: da8285a0-3a70-413d-baed-a1f48d7bf7b2 ...
Un exemple d'utilisation de la nouvelle version 7 est décrit dans l'excellent article « Goodbye integers. Hello UUIDv7! ». Une mise en œuvre de cette version 7 apparait dans « UUIDv7 in 20 languages ».
La section 6 décrit les bonnes pratiques de génération d'un UUID. Ainsi :
Date de publication du RFC : Octobre 2024
Auteur(s) du RFC : S. Lhomme, M. Bunkus, D. Rice
Chemin des normes
Réalisé dans le cadre du groupe de travail IETF cellar
Première rédaction de cet article le 15 octobre 2024
Matroska est un format de conteneur pour du contenu multimédia (son, image, sous-titres, etc). Ce n'est pas un format de données (format utilisé par un codec), mais un moyen de regrouper de manière structurée des données différentes.
Je vous préviens tout de suite, le RFC fait 167 pages, et, en prime, le multimédia n'est pas ma spécialité. Donc, je vais faire court. Matroska est fondé sur un langage qui utilise le modèle de données XML, EBML (normalisé dans le RFC 8794). Notre nouveau RFC 9559 est donc surtout une très longue liste des éléments XML qu'on peut y trouver (Matroska est riche !), encodés en binaire. Matroska n'est pas nouveau (il en est à la version 4), mais c'est sa première normalisation. Notez que vous trouverez de l'information sur la page Web du projet.
Le caractère hiérarchique d'un fichier Matroska (des éléments dans d'autres éléments) est bien rendu par cet outil (qui fait partie de MKVToolNix, cité plus loin) :
% mkvinfo ./format/matroska/testdata/sweep-with-DC.mkvmerge13.mka + EBML head |+ EBML version: 1 |+ EBML read version: 1 |+ Maximum EBML ID length: 4 |+ Maximum EBML size length: 8 |+ Document type: matroska |+ Document type version: 4 |+ Document type read version: 2 + Segment: size 18507 |+ Seek head (subentries will be skipped) |+ EBML void: size 4031 |+ Segment information | + Timestamp scale: 22674 | + Multiplexing application: libebml v1.4.2 + libmatroska v1.6.2 | + Writing application: mkvmerge v52.0.0 ('Secret For The Mad') 64-bit | + Duration: 00:00:02.607714066 | + Date: 2022-08-28 18:32:21 UTC | + Segment UID: 0x3b 0x9f 0x28 0xc7 0xc4 0x90 0x8a 0xe0 0xcd 0x66 0x8f 0x11 0x8f 0x7c 0x2f 0x54 |+ Tracks | + Track | + Track number: 1 (track ID for mkvmerge & mkvextract: 0) | + Track UID: 3794791294650729286 | + Track type: audio | + Codec ID: A_FLAC | + Codec's private data: size 133 | + Default duration: 00:00:00.040634920 (24.609 frames/fields per second for a video track) | + Language: und | + Language (IETF BCP 47): und | + Audio track | + Sampling frequency: 44100 | + Bit depth: 16 |+ EBML void: size 1063 |+ Cluster
On voit un document de la version 4 (celle du RFC), commençant
(forcément, cf. section 4.5 du RFC) par un en-tête EBML, et
comportant une seule piste (l'élément
Tracks
est décrit en section 5.1.4), un son au
format FLAC
(RFC bientôt publié). L'extension
.mka
est souvent utilisée pour des conteneurs
n'ayant que de l'audio (et .mkv
s'il y a de la
vidéo). La piste audio est dans une langue indéterminée,
und. Plusieurs éléments existent pour noter la
langue car Matroska n'utilisait autrefois que la norme
ISO 639 mais la version 4 recommande les bien
plus riches étiquettes de langue IETF (RFC 5646, alias « IETF BCP 47 »).
Un autre document a deux pistes, le son et l'image :
% mkvinfo ~/Videos/2022-01-22\ 13-17-28.mkv … |+ Tracks | + Track | + Track number: 1 (track ID for mkvmerge & mkvextract: 0) | + Track UID: 1 | + "Lacing" flag: 0 | + Language: und | + Codec ID: V_MPEG4/ISO/AVC | + Track type: video | + Default duration: 00:00:00.033333333 (30.000 frames/fields per second for a video track) | + Video track | + Pixel width: 852 | + Pixel height: 480 | + Display unit: 4 | + Codec's private data: size 41 (H.264 profile: High @L3.1) | + Track | + Track number: 2 (track ID for mkvmerge & mkvextract: 1) | + Track UID: 2 | + "Lacing" flag: 0 | + Name: simple_aac_recording | + Language: und | + Codec ID: A_AAC | + Track type: audio | + Audio track | + Channels: 2 | + Sampling frequency: 44100 | + Bit depth: 16 | + Codec's private data: size 5
L'arborescence des fichiers Matroska peut être très profonde et ça se reflète dans la numérotation des sections du RFC (il y a une section 5.1.4.1.28.18 !).
Les types MIME à utiliser sont audio/matroska
et video/matroska
(section 27.3 du RFC).
Il existe plusieurs mises en œuvre de Matroska en logiciel libre comme MKVToolNix, qui sait faire beaucoup de choses (comme afficher les éléments Matroska comme vu plus haut) et qui existe en ligne de commande ou GUI. Et VLC sait évidemment jouer les fichiers Matroska. OBS, quant à lui, permet d'en produire. Par exemple, cette vidéo sans intérêt a été faite avec OBS.
Date de publication du RFC : Avril 2024
Auteur(s) du RFC : B. Makarenko (The Technical center of Internet, LLC), V. Dolmatov (JSC "NPK Kryptonite")
Pour information
Première rédaction de cet article le 21 octobre 2024
Ce RFC marque l'arrivée d'un nouvel algorithme de signature dans les enregistrements DNSSEC, algorithme portant le numéro 23. Bienvenue au GOST R 34.10-2012 (alias ECC-GOST12), algorithme russe, spécifié en anglais dans le RFC 7091, une légère mise à jour de GOST R 34.10-2001.
La liste des algorithmes DNSSEC est un registre à l'IANA, https://www.iana.org/assignments/dns-sec-alg-numbers/dns-sec-alg-numbers.xml#dns-sec-alg-numbers-1
. Elle
comprend désormais GOST R 34.10-2012 (qui succède au R 34.10-2001 du
RFC 5933). Notez que GOST désigne en fait une
organisation de
normalisation, le terme correct serait donc de ne jamais
dire « GOST » tout court, mais plutôt « GOST R 34.10-2012 » pour
l'algorithme de signature et « GOST R 34.11-2012 » pour celui de
condensation,
décrit dans le RFC 6986 (voir la section 1 de notre RFC 9558).
La section 2 décrit le format des enregistrements
DNSKEY
avec GOST, dans lequel
on publie les clés GOST R 34.10-2012. Le champ Algorithme vaut 23,
le format de la clé sur le réseau suit le RFC 7091. GOST
est un algorithme à courbes elliptiques, courbes décrites par Q
= (x,y). Les 32 premiers octets de la clé sont x et les 32 suivants
y (en petit-boutien,
attention, contrairement à la majorité des protocoles Internet).
Parmi les bibliothèques cryptographiques existantes, au moins OpenSSL met en œuvre GOST R 34.10-2012 (testé avec la version 3.3.2). Voir RFC 9215 pour de l'aide à ce sujet. Sinon, on trouve parfois seulement l'ancienne version dans certains logiciels et certaines bibliothèques.
La section 2.2 donne un exemple de clé GOST publiée dans le DNS,
je n'ai pas trouvé d'exemple réel dans la nature, même en
.ru
.
La section 3 décrit le format des enregistrements RRSIG
, les signatures (avec un
exemple). On suit les RFC 5958 et RFC 7091.
Attention, une particularité de GOST fait que deux signatures des
mêmes données peuvent donner des résultats différents, car un
élément aléatoire est présent dans la signature.
La section 4
décrit le format des enregistrements DS
pour GOST. La clé publique de
la zone fille est condensée par GOST R 34.11-2012, algorithme de
numéro
5.
Les sections 5 et 6 couvrent des questions pratiques liées au développement et au déploiement de systèmes GOST, par exemple un rappel sur la taille de la clé (512 bits) et sur celle du condensat cryptographique (256 bits).
GOST peut se valider avec Unbound si la bibliothèque de cryptographie utilisée gère GOST. Et, comme indiqué plus haut, ce ne sera sans doute que l'ancienne version, celle du RFC 5933. Pour les programmeurs Java, DNSjava a le dernier GOST depuis la version 3.6.2. Pour le statut (recommandé ou non) de l'algorithme GOST pour DNSSEC, voir le RFC 8624. En Python, dnspython en version 2.7.0 n'a que l'ancien algorithme.
RFC des différentes séries : 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000