Date de publication du RFC : Septembre 2023
Auteur(s) du RFC : W. Kumari (Google), P. Hoffman (ICANN)
Chemin des normes
Première rédaction de cet article le 30 septembre 2023
Le TLD
.alt
a été réservé pour les utilisations
non-DNS. Si demain
je crée une chaine de blocs nommée Catena et
que j'enregistre des noms dessus, il est recommandé qu'ils se
terminent par catena.alt
(mais comme toujours
sur l'Internet, il n'y a pas de police mondiale chargée de faire
respecter les RFC).
Ce nouveau RFC
est l'occasion de rappeler que noms
de domaine et DNS, ce
n'est pas pareil. Les noms de domaine existaient avant le DNS
et, même aujourd'hui, peuvent être résolus par d'autres techniques
que le DNS (par exemple votre fichier local
/etc/hosts
ou équivalent).
Mais le DNS est un tel succès que cette « marque » est utilisée
partout. On voit ainsi des systèmes de résolution de noms n'ayant
rien à voir avec le DNS se prétendre « DNS pair-à-pair » ou « DNS
sur la blockchain », ce
qui n'a aucun sens. Ce nouveau RFC, lui, vise clairement uniquement
les systèmes non-DNS. Ainsi, des racines alternatives ou des
domaines privés comme le
.local
du RFC 6762 ne
rentrent pas dans son champ d'application. De plus, il ne s'applique
qu'aux noms de domaine ou en tout cas aux identificateurs qui leur
ressemblent suffisamment. Si vous créez un système complètement
disruptif où les identificateurs ne ressemblent pas à des noms de
domaine, ce RFC ne vous concerne pas non plus. Mais si, pour des
raisons techniques (être compatible avec les applications
existantes) ou marketing (les noms de domaine, c'est bien, tout le
monde les reconnait), vous choisissez des noms de domaine comme
identificateurs, lisez ce RFC.
En effet, il existe plusieurs de ces systèmes. Ils permettent, en
indiquant un nom de domaine (c'est-à-dire une
série de composants séparés par des points comme
truc.machin.chose.example
) d'obtenir des
informations techniques, permettant, par exemple, de trouver un
serveur ou de s'y connecter. Un exemple d'un tel système est le
mécanisme de résolution utilisé par Tor. Les
identificateurs sont construits à partir d'une clé
cryptographique et suffixés d'un
.onion
(réservé par le RFC 7686). Ainsi, ce blog est en
http://sjnrk23rmcl4ie5atmz664v7o7k5nkk4jh7mm6lor2n4hxz2tos3eyid.onion/
. N'essayez
pas ce nom dans le DNS : vous ne le trouverez pas, il se résout via
Tor.
Pendant longtemps, cette pratique de prendre, un peu au hasard,
un nom et de l'utiliser comme TLD a été la façon la plus courante de créer des
noms de domaine dans son espace à soi. C'est ainsi que
Namecoin a utilisé le
.bit
, ENS (Ethereum Name Service) le
.eth
et GNUnet le
.gnu
. Chacun prenait son nom comme il voulait,
sans concertation (il n'existe pas de forum ou d'organisation pour
discuter de ces allocations). Cela entraine deux risques, celui de
collision (deux systèmes de nommage utilisent le même TLD, ou bien
un système de nommage utilise un TLD qui est finalement alloué dans
le DNS, ce qui est d'autant plus probable qu'il n'existe pas de
liste de ces TLD non-DNS). Il y a plusieurs solutions à ce problème,
et l'IETF en a longuement discuté (cf. par exemple
l'atelier
EName de 2017, ou bien le très contestable RFC 8244). Ce RFC a donc mis des années à sortir. L'ICANN, par exemple, a essayé de diaboliser ces
noms, attirant surtout l'attention sur leurs dangers. Autre méthode,
il a été suggéré de créer un mécanisme de concertation pour éviter
les collisions, création qui n'a jamais eu lieu, et pas pour des
raisons techniques. Ce RFC 9476 propose simplement de
mettre les noms non-DNS sous un TLD unique, le
.alt
. Ce TLD est réservé dans le registre
des noms spéciaux (créé par le RFC 6761). Ainsi, si le système de résolution de Tor était
créé aujourd'hui, on lui proposerait d'être en
.onion.alt
. Est-ce que les concepteurs de
futurs systèmes de résolution non-DNS se plieront à cette demande ?
Je suis assez pessimiste à ce sujet. Et il serait encore plus
utopique de penser que les TLD non-DNS existants migrent vers
.alt
.
Comme .alt
, par construction, regroupe des
noms qui ne sont pas résolvables dans le DNS, un résolveur purement
DNS ne peut que répondre tout de suite NXDOMAIN (ce nom n'existe
pas) alors qu'un résolveur qui parle plusieurs protocoles peut
utiliser le suffixe du nom comme une indication qu'il faut utiliser
tel ou tel protocole. Si jamais des noms sous
.alt
sont réellement utilisés, ils ne devraient
jamais apparaitre dans le DNS (par exemple dans les requêtes aux
serveurs racine) mais, compte-tenu de
l'expérience, il n'y a aucun doute qu'on les verra fuiter dans le
DNS. Espérons que des techniques comme celles du RFC 8020, du RFC 8198 ou du RFC 9156 réduiront la
charge sur les serveurs de la racine; et préserveront un peu la vie
privée (section 4 du RFC).
Le nom .alt
est évidemment une référence à
alternative mais il rappelera des souvenirs aux utilisateurs
d'Usenet. D'autres noms avaient été
sérieusement discutés comme de préfixer
tous les TLD non-DNS par un tiret
bas. Mon catena.alt
aurait été
_catena
:-) Tout ce qui touche à la
terminologie est évidemment très sensible, et le RFC prend soin de
souligner que le terme de « pseudo-TLD », qu'il utilise pour
désigner les TLD non-DNS n'est pas péjoratif…
On note que le risque de collision existe toujours, mais sous
.alt
. Notre RFC ne prévoit pas de registre des
noms sous .alt
(en partie parce que
l'IETF
ne veut pas s'en mêler, son protocole, c'est le DNS, et en partie
parce que ce milieu des mécanismes de résolution différents est très
individualiste et pas du tout organisé).
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