Première rédaction de cet article le 16 juin 2009
Comment signale-t-on un problème sur
l'Internet ? Si un ver fait des requêtes HTTP
répétées à la recherche d'une vulnérabilité ? Si un autre ver se
connecte en SSH en permanence à votre
Kimsufi en tentant le compte guest
? Si un script utilise automatiquement
votre service en dépit des conditions d'utilisation ? Si vous recevez
du spam depuis telle ou telle machine ? En
théorie, il existe une adresse de courrier standard pour cela. Spécifiée dans
le RFC 2142, c'est abuse@DOMAIN.EXAMPLE
où DOMAIN.EXAMPLE
est le domaine en cause. Mais
le courrier envoyé à abuse
n'obtient jamais de
réponse et, souvent, n'est même pas lu. Pourquoi ?
Au cours de ma carrière, j'ai été des deux côtés de la barrière, du
côté de ceux qui reçoivent les messages envoyés à
abuse
et du côté de ceux qui les envoient. Du
côté du simple utilisateur, qui voudrait signaler un problème, le
bilan n'est pas très glorieux. Les réponses reçues sont rarissimes. La
plupart du temps, c'est le silence complet. Parfois, on reçoit un avis
de non-remise « il n'y a pas de compte abuse
à
l'adresse indiquée ». Parfois une réponse standard inutile.
Est-ce qu'au moins les messages sont lus, même si
abuse
ne peut pas répondre à tous ceux qui lui
écrivent ? Même pas. La plupart du temps, les messages atterissent
directement dans
/dev/null
, ou bien, à la
rigueur, dans la boîte d'un stagiaire embauché pour faire le
support utilisateur, qui n'y connait rien et
n'est pas assez payé pour qu'on
puisse lui demander de travailler sérieusement.
Même si certains gros FAI s'obstinent à nier
et affirment, contre toute évidence, que les messages sont lus
soigneusement, la triste réalité est qu'écrire à
abuse
ou bien jouer à World of Warcraft donneront le même résultat (et, dans
le second cas, au moins, on voit les monstres qu'on combat).
Est-ce de la paresse ou de la méchanceté de la part des FAI ? En
partie oui, bien sûr, c'est vrai qu'ils se moquent totalement de ce
que leurs propres utilisateurs peuvent raconter. Alors, quand il
s'agit d'inconnus... Mais il faut aussi remarquer que le problème
n'est pas simple. D'abord, sur l'Internet, il y a tout le temps des
problèmes. Si on héberge un parc de dix mille machines
Unix dédiées et louées à des clients, il y en a
forcément toujours un bon nombre qui se lancent dans des attaques,
soit parce que le locataire est un méchant, soit parce qu'il a laissé
un script PHP vulnérable sur sa machine. Si
on connecte des dizaines de milliers de foyers où se trouvent des
machines MS-Windows, c'est encore pire, un bon
nombre a été transformé en zombies et les attaques qu'elles lancent
vaudront certainement à abuse
pas mal de
courrier.
Mais il y a un autre problème : la très grande majorité des
rapports envoyés à abuse
sont
inutilisables. Aucun détail, aucune précision, l'heure de l'attaque
n'est pas indiquée (ou alors en heure locale, sans indication du
fuseau horaire), les messages sont résumés et
mal traduits au lieu d'être cités littéralement, etc. Le message
typique reçu par abuse
(rappelez-vous qu'un gros
hébergeur peut avoir des dizaines de milliers de machines, voire
davantage pour les très gros) est simplement « Mon firewall [sic] me
dit que votre machine m'attaque, arrêtez tout de suite » (et encore,
je n'ai pas respecté l'orthographe). Il est même fréquent que le
message soit 100 % erroné et qu'il n'y ait pas d'attaque du tout
(comme le voit fréquemment l'IANA).
Plus drôle, les messages à abuse sont parfois des tentatives d'attaque.
Analyser de tels messages sérieusement nécessiterait du temps et
une main d'œuvre qualifiée, alors qu'en général on met au
« support de premier niveau » les gens les
moins payés de l'entreprise. Il faudrait demander des précisions,
faire preuve de patience, suivre le dossier, tout ce que fait un
avocat d'affaires payé très cher de l'heure, mais pas ce que peut
faire le Marocain ou l'Indien qui travaille dans un
call center. Pour des
simples raisons économiques, les messages à abuse
sont donc traités vite et mal.
abuse
est d'autant moins enclin à lire ses
messages qu'un certain nombre d'utilisateurs spamment à tout vent et
écrivent, lors de n'importe quel problème, à toutes les adresses de
courrier qu'ils peuvent trouver en interrogeant whois.
Et les messages de qualité ? En général, vu l'afflux de messages inutilisables, les rares messages corrects, précis et complets sont traités comme les autres, perdus au milieu du flot.
Une bonne introduction au rôle (théorique) d'un service « abuse » est « Le service abuse des hébergeurs : comment ça fonctionne ? ».
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