Première rédaction de cet article le 12 juillet 2008
L'accessibilité des sites Web est un sujet à la mode. De nombreux articles sont publiés, de nombreuses réunions ou colloques se tiennent, de nombreux débats ont lieu. Mais la plupart des sites Web restent très peu accessibles. Est-ce parce qu'on restreint trop souvent les utilisateurs de l'accessibilité aux handicapés ?
Le discours sur l'accessibilité est en
général du type « Il faut qu'un aveugle puisse
voir le site Web, il en a le droit comme les autres ». Ce discours est
largement repris et jamais contesté ouvertement (personne n'osera dire, même s'il le
pense, « Les aveugles nous embêtent, tant pis pour eux, je ne vais pas
laisser cette minorité de perdants affadir le
design de mon beau site Web tout en
Flash qui bouge »). Mais ce discours a peu d'effet : la
très grande majorité des sites Web ne sont pas
accessibles à tous. Mise en page et contenu mélangés (par exemple par
l'utilisation de tableaux (<table>
HTML), contenus entièrement en
Flash, profusion d'images sans texte alternatif
(ou avec un attribut alt
alors que l'image ne
sert qu'à la décoration, ce qui est tout aussi absurde),
fonctionnement impossible sans Javascript, pas de structuration des données (qui
permettrait de les reprendre facilement)...
Les sites Web commerciaux, réalisés par des professionnels, ne sont pas les meilleurs, loin de là. Comme il existe bien plus de sites Web que d'auteurs Web compétents, les sites sont réalisés par des gens dont la compétence n'est pas en écriture Web mais en graphisme ou en programmation, des disciplines utiles mais différentes, et qui ne rendent pas forcément sensibles à la structuration des sites Web.
Pourquoi les sites Web ne sont-ils pas plus accessibles aujourd'hui qu'avant ? Est-ce par manque de documentation ? Non, des documents comme la référence, le Web Content Accessibility Guidelines du W3C sont souvent cités. En français, l'excellent site d'Alsacréations contient également plein d'informations utiles si le webmestre a décidé de rendre le site Web accessible.
Peut-être est-ce parce que le discours dominant réduit l'accessibilité à une préoccupation pour une minorité. On demande aux auteurs de sites Web d'être généreux, de penser aux plus faibles (une pensée très démodée dans la France de Sarkozy), alors que ces auteurs ont déjà beaucoup de travail pour boucler le projet Web à temps et que prendre en compte les besoins de 2 ou 3 % des utilisateurs ne se justifie pas financièrement.
Mais c'est un raisonnement discutable. Quittons un peu l'accessibilité numérique et voyons comment se pose le problème pour l'accessibilité physique, par exemple des bâtiments. Si on rend un bâtiment accessible à tous, par exemple en installant des rampes d'accès, des ascenseurs larges, on ne rend pas service qu'à la minorité qui est en fauteuil roulant. On aide aussi les gens chargés de paquets, les femmes avec des bébés et les jeunes cadres dynamiques qui se sont claqués un muscle au squash.
En d'autres termes, les dépenses entraînées par l'accessibilité profitent à tous et pas seulement aux handicapés qu'on essaie de culpabiliser en leur annonçant les dépenses qu'on a fait « pour eux ».
C'est la même chose avec l'accessibilité numérique. Si on rend un site Web accessible à tous, cela ne servira pas qu'aux aveugles. On aidera également les économiquement faibles qui ont un vieux navigateur sans possibilités sophistiquées, les frimeurs riches qui ont un téléphone portable avec accès EDGE (le plus cher des téléphones portables a un écran et un processeur dont les capacités sont inférieures à celles du moindre PC), les moteurs de recherche qui n'ont en général pas de capacité Javascript ou Flash, etc.
Terminons en citant le site Web de Renaissance Numérique qui dit fort justement : « Les standards d'accessibilité séparent le contenu et le contenant. Il est ainsi plus facile de maintenir un site et de le mettre à jour. Une meilleure organisation du contenu permet également de fournir un service de meilleur qualité et mieux ciblé. » et « La conformité aux standards permet de concevoir facilement des interfaces utilisateurs en fonction des supports et de leurs usages. Nous ne pouvons pas proposer la même interface sur un écran de téléphone mobile que sur un PC portable à écran 11' ou un PC de bureau avec un grand écran. »
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