Auteur(s) du livre : Sébastien Bohler
Éditeur : Robert Laffont
9782221240106
Publié en 2019
Première rédaction de cet article le 1 juin 2020
Dans cet essai, Sébastien Bohler explique et défend une thèse comme quoi une grande partie de nos comportements humains seraient dus à des règles très profondément enfouies dans notre cerveau et qui se résumeraient à « plus de tout, et tout de suite ». Selon lui, changer les choses, par exemple diminuer notre empreinte carbone, nécessite de prendre conscience de ces règles, avant de pouvoir les surmonter.
Après des romans comme « Les soldats de l'or gris », l'auteur passe à l'essai avec « Le bug humain ». Tout le monde peut constater, notamment à travers la destruction toujours plus poussée de l'environnement, que l'humanité, collectivement, n'est pas raisonnable. Pourquoi est-ce qu'on continue cette destruction alors qu'il est clair qu'il faudrait, au lieu de vouloir « relancer la croissance » et autres délires productivistes, diminuer la consommation de tout ? Depuis des siècles, des tas de gens ont réfléchi à ce problème, et ont proposé plein d'explications (qui ne sont pas forcément incompatibles entre elles). Ici, Sébastien Bohler a une théorie : l'essentiel du problème vient du striatum. Cet organe peu connu du cerveau est responsable de la motivation : c'est lui qui, via la dopamine qu'il secrète, pousse à consommer (de la nourriture, de l'information ou du sexe) et toujours davantage. En effet, lorsque l'évolution a façonné cet organe, on ne pouvait jamais consommer trop. On n'avait jamais assez à manger, par exemple et, même si c'était le cas temporairement, manger avec excès et accumuler des graisses était une bonne stratégie ; on perdrait ces graisses sans effort à la prochaine pénurie. De même, faire des enfants en quantité était raisonnable quand la plupart d'entre eux mourraient jeunes. Mais, aujourd'hui, cela mène à la surpopulation.
Aujourd'hui où la production de masse permet de consommer trop, le striatum est devenu dangereux ; il pousse à ne jamais s'arrêter, même au-delà du raisonnable. Et l'évolution naturelle, trop lente, ne va pas changer ce comportement avant qu'il ne soit trop tard et que toutes les ressources naturelles aient été détruites.
Est-ce une fatalité ? L'auteur estime que, si le striatum pousse à des comportements qui sont souvent négatifs dans notre société, il ne représente pas tout notre cerveau. D'autres parties, comme le cortex préfrontal, sont capables d'inhiber les instincts immédiats, et donc potentiellement de nous amener à un meilleur équilibre entre les désirs primaires et la réalité.
Le livre est très bien écrit, très convaincant. Vous apprendrez beaucoup de choses sur votre cerveau en le lisant. Mais je reste un peu sceptique car il résume un problème très vaste à une cause principale. Dans le cadre écologique, par exemple, les décisions individuelles poussées par le striatum ne sont pas tout. Il y a aussi la difficulté à parvenir à une décision commune lorsque le changement de mode de vie serait dans l'intérêt de tous mais heurtent les intérêts de certains (comme l'analyse bien Diamond dans « Effondrement »). Le pouvoir du striatum peut expliquer pourquoi, même quand on est déjà en surpoids, on reprend du dessert, mais peut-il vraiment expliquer l'avidité d'actionnaires qui, dans un bureau climatisé, sans qu'ils aient faim ou froid, prennent des décisions catastrophiques pour la biosphère ? Et, même quand tout le monde a les mêmes intérêts et en est conscient, une décision commune n'est pas facile, si chacun craint d'être le seul à faire des efforts.
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