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Composition française, de Mona Ozouf

Première rédaction de cet article le 24 juin 2010


Il y a déjà eu d'innombrables livres, articles dans la presse papier et sur les blogs, bavardages à la radio, pontifications à la télé, sur l'identité nationale. En sait-on plus sur ce concept flou, désormais ? Pas sûr. Mona Ozouf l'aborde par le biais de l'autobiographie. Elle décrit son enfance en Bretagne dans les années 30, et en profite pour se demander ce que signifie « être française ».

C'est que son identité n'est pas évidente : la petite Mona Sohier est fille d'un militant breton, à la fois partisan déterminé de la liberté de la Bretagne, mais aussi instituteur à une époque où l'école républicaine et laïque participait activement à la destruction des langues régionales. Ce père qu'elle a peu connu, quelles étaient exactement ses opinions politiques ? À part sur la langue bretonne, elles ont varié, épousant la difficulté de se définir lorsque on est breton et progressiste, coincé entre la France dominatrice et nivelleuse, et la réaction bretonne et catholique. Mort trop tôt, Yann Sohier n'a pas eu l'occasion de se déterminer par rapport à l'occupant nazi, certains militants bretons choisissant la collaboration, d'autres la résistance. Les pages les plus intéressantes sont consacrées à des questions politiques comme « Qu'aurait fait mon père en 1940 ? »

Mona Ozouf a donc été surtout élevée par sa mère, qui, elle, était bretonnophone de naissance (son père, né en pays gallo, avait appris le breton plus tard) et qui était également institutrice. Un rève d'ascenseur social puisque les arrière-grands-parents étaient simples paysans, les grands parents (tout) petits commerçants, les parents instituteurs (Anne le Den terminera directrice d'école) et Mona Ozouf sera, elle, chercheuse au CNRS. Mais cette ascension sociale ne se fera pas dans la joie et bien des choses devront être abandonnées en cours de route. Était-ce nécessaire ?

C'est là qu'on revient à l'identité nationale. En caricaturant un peu (ce que l'auteur fait rarement mais, ici, c'est mon blog), on peut dire qu'il y a deux façons de définir « la France ». L'une est que c'est plus ou moins un hasard, la réunion de peuples divers qui n'étaient pas forcément volontaires. L'autre est que c'est un choix délibéré effectué par ses habitants, comme si « la France » était un parti politique, dont tous les membres partageraient les mêmes choix (sans qu'on dise jamais lesquels : l'amour du football ?). Cette seconde vision sert surtout à intimer aux immigrés l'ordre de s'« intégrer », là encore sans qu'on sache trop bien ce que cela peut être, à part qu'on est traité de « communautariste » dès qu'on exprime son scepticisme.

Mona Ozouf considère qu'il ne faut pas chercher trop d'idéologie dans la construction d'un pays : celle-ci s'est faite en bricolant, en agrégeant des gens divers et qui le sont parfois restés, et que chercher un sens, un but, à un pays, revient souvent à enfermer ses habitants dans l'idéologie dominante.

Ah, et il n'y a pas que la politique, c'est aussi un très beau livre sur l'enfance, sans nostalgie (à cette époque, être enfant n'était pas toujours drôle, on ne se sentait pas obligé de leur fournir des distractions et des activités...) mais sans rancœur.

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