Première rédaction de cet article le 22 décembre 2024
Si vous êtes en vacances dans les prochains jours, cela peut être l'occasion de lire des articles scientifiques riches. Par exemple, si vous voulez en apprendre davantage sur la robustesse des connexions Internet face aux coupures de câbles, regardez le cas du Pakistan dans cet article (en anglais).
Régulièrement, la question de la vulnérabilité des câbles qui forment l'infrastructure physique de l'Internet est posée. Souvent, elle est traitée de manière sensationnaliste (« les russechinoicoréeniraniens vont couper notre Internet, on ne pourra plus voir Netflix »), par exemple par des politiciens qui veulent jouer au chef de temps de guerre. Si on veut traiter le sujet plus sérieusement, il faut analyser en détail, et ça prend davantage de temps que de faire un titre putaclic. C'est ce que font Nowmay Opalinski, Zartash Uzmi et Frédérick Douzet pour le cas du Pakistan. Leur article « The Quest for a Resilient Internet Access in a Constrained Geopolitical Environment » étudie en détail la connectivité d'un pays. Combien de câbles vers l'extérieur ? Par où passent-ils ? (Je vous laisse lire l'article pour voir leur méthodologie, mais notez qu'il ne suffit pas d'étudier l'infrastructure physique, leur article décortique aussi l'infrastructure logicielle.) Cela donne une bonne idée de la robustesse de la connectivité d'un pays, de ses chances de résister à des coupures de câble, qu'elles soient volontaires ou accidentelles (et je rappelle qu'il y a davantage de maladroits que de malveillants).
Si vous regardez la carte, vous pouvez vous dire que le Pakistan n'a pas trop besoin de câbles sous-marins, il peut passer par des connexions terrestres avec ses voisins. Mais la question n'est évidemment pas purement technique, il faut prendre en question la géopolitique. Pas question de passer par l'Inde, par exemple. Et, avec l'Iran, ce n'est pas beaucoup mieux. Il reste l'Afghanistan… Et il y a même un lien avec la Chine, avec qui les relations sont bien plus cordiales, mais, ici, c'est la géographie qui n'est pas d'accord (le câble, dont l'utilisation n'est pas claire, passe par un col difficile).
Bref, les connexions internationales du Pakistan passent pour l'essentiel par des liaisons sous-marines depuis Karachi, vers des pays plus lointains. Une panne dans cette région met donc en péril toute la connectivité extérieure du pays.
Ce ne serait pas trop grave si les Pakistanais·es pouvaient encore dialoguer entre ielles. Mais, comme dans beaucoup de pays, les communications, même locales, sont souvent médiées par les GAFA. Et ceux-ci n'ont souvent pas d'infrastructure dans le pays, suggérant parfois de passer par l'Inde, ce qui est évidemment irréaliste vu les relations entre les deux pays. Une coupure des liens avec l'extérieur pourrait donc avoir de sérieuses conséquences. Si on utilisait davantage les liaisons pair-à-pair et l'auto-hébergement, il y aurait davantage de robustesse.
Un exemple (j'ai pris le DNS parce que c'est ce que je connais mais lisez l'article, il y aura d'autres exemple), l'instance de Google Public DNS qu'on peut joindre depuis le Pakistan, vue par les sondes RIPE Atlas, est aux Émirats, de l'autre côté du golfe :
% blaeu-resolve --requested 100 --country PK --nameserver 8.8.8.8 \ --nsid --type A lums.edu.pk Nameserver 8.8.8.8 [110.93.234.24 111.68.103.174 203.135.62.24 NSID: gpdns-fjr;] : 3 occurrences Test #85285321 done at 2024-12-22T13:48:31Z
(Voir mon autre article sur l'utilisation des sondes Atlas. Regardez le NSID - RFC 5001 de l'instance, qui pointe vers les EAU.)
En parlant d'histoire-géographie, notez aussi que l'article met en évidence que les liaisons intérieures du pays sont très concentrées dans la vallée de l'Indus. La technologie moderne utilise la même voie de communication qu'il y a cinq mille ans.
Quelques autres références :
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