Première rédaction de cet article le 22 septembre 2005
Le 16 septembre, l'association IRIS révélait que le gouvernement avait l'intention de proposer une loi imposant aux FAI de filtrer automatiquement, par défaut, tous les accès à Internet, sous prétexte de protéger les enfants contre les contenus illégaux.
La semaine du 19, une grande campagne de presse a commencé, par exemple dans le Parisien, Métro et le Monde, sur le thème classique des dangers de l'Internet pour les enfants et sur la nécessité pour le gouvernement de faire quelque chose.
Le 22, le premier ministre, Dominique de Villepin, annonce qu'il va "renforcer l'obligation qui pèse sur les fournisseurs d'accès afin que ces logiciels [de filtrage] soient disponibles automatiquement" et que "À défaut de solution concertée dans les semaines à venir, la législation sera modifiée pour assurer une protection adéquate des mineurs.".
La LCEN date d'à peine plus d'un an qu'on envisage déjà de la modifier, ce qui ne contribue pas à améliorer la crédibilité du gouvernement qui l'avait fait voter. Il est évidemment plus simple, lors d'une conférence de la famille, d'annoncer une agitation législative (qui ne coûte rien) plutôt que, par exemple, d'annoncer un budget important pour construire des crèches.
La mesure proposée est évidemment liberticide, irréaliste (je ne m'étends pas là dessus ici mais le fait que les détails pratiques soient renvoyés à un futur et hypothétique décret montre bien que le gouvernement est conscient qu'il n'y a pas de solution technique à ce problème) et fait la part belle à la vision puritaine des logiciels de filtrage, tous d'origine états-unienne.
À deux mois de la plenière du SMSI à Tunis, la France rejoint le camp de tous les pays, en général peu sympathiques, qui vont réclamer un contrôle des contenus de l'Internet.
Mais c'est aussi une mesure qui reflète une vision terriblement traditionnaliste de l'Internet : manifestement, les auteurs de cette proposition de loi n'ont pas digéré la fin de la période Minitel et voudraient un Internet bâti sur une stricte séparation des consommateurs, qu'on protège comme des enfants, et qui n'accèdent à l'Internet que via des professionnels, les FAI, qui sont chargés de surveiller les enfants en question. Un fournisseur d'accès comme AOL (cité en exemple par les organisations conservatrices qui soutiennent cette proposition de loi) a toujours défendu et pratiqué cette vision.
La réalité de l'Internet a toujours été autre : il existe beaucoup de façons de se connecter, il y a beaucoup de services disponibles, pas seulement le Web, il y a beaucoup de logiciels et de techniques possibles. Filtrer sérieusement, comme le font les gouvernements chinois et tunisiens, nécessite de casser l'architecture qui a fait le succès de l'Internet, de canaliser les connexions, et finalement de faire de l'Internet un réseau de télécommunications traditionnel, bien plus rassurant pour les gouvernements que pour les enfants.
Est-ce la voie que certains envisagent d'emprunter en France ? Personne ne l'admettra mais des indices comme cette proposition de loi permettent de le supposer.
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