Je suis Charlie

Autres trucs

Accueil

Seulement les RFC

Seulement les fiches de lecture

Mon livre « Cyberstructure »

Ève

Les Journées du Logiciel Libre à Lyon (et avec du Zig et du RDDS)

Première rédaction de cet article le 27 mai 2024


Les 25 et 26 mai 2024, à Lyon, c'étaient les Journées du Logiciel Libre. Comme toujours, deux jours passionnants avec plein de gens bien. J'y ai fait une conférence « Trouver de l'information sur un nom de domaine » et un atelier « Initiation à la programmation en Zig ».

La conférence « Trouver de l'information sur un nom de domaine » venait de l'observation que beaucoup d'internautes ont du mal à naviguer dans le monde, effectivement très complexe, des noms de domaine et, par exemple, à trouver de l'information correcte sur les données associées à un nom (comme l'identité du titulaire). Les outils pour cela sont parfois nommés collectivement RDDS (pour Registration Data Directory Services) et, si leur utilisation est parfois simple, l'interprétation de leurs résultats ne l'est pas. Voici les supports de la conférence (et leur source). Je n'ai pas compté le nombre de personnes présentes mais il m'a semblé que ce sujet suscitait l'intérêt.

Pour ce qui est de l'atelier sur le langage de programmation Zig, la forme choisie avait été celle d'une session où les participants (pas d'écriture inclusive ici, il n'y avait que des hommes) suivaient un support en ligne, faisaient les exercices et éventuellement posaient des questions. (Le source du support et l'ensemble des fichiers est disponible). À ma grande surprise, alors que je m'attendais à une participation très réduite, puisque le langage est peu connu, la salle était pleine comme un œuf (16 personnes) et avec tous ces humains et tous ces ordinateurs portables, plus les fixes pour ceux qui n'avaient pas apporté le leur, ça chauffait.

Parmi les autres activités du week-end (je n'ai pas tout fait, le programme était riche !), il y avait :

  • Une intéressante conférence d'altercarto sur les données ouvertes à partir de leur situation dans trois pays, France, Tunisie et Burkina Faso. Le point important était que les données ouvertes, c'est très bien, ça incite à bosser sur ce qui est publié (ce qui est bien le but) mais il y a aussi ce qui n'est pas publié et c'est à cela qu'il faut prêter attention. On manque ainsi de données sur les droits sociaux, la santé, l'éducation… Par exemple, en France : les données d'actes de soin remboursés par la Sécurité Sociale par ville ne sont pas disponibles. Cela serait pourtant utile pour étudier les inégalités. En Tunisie, des organisations comme Cartographie Citoyenne ne peuvent plus travailler car la dictature fait qu'il y a de moins en moins de données (par exemple sur la pollution à Gabès, sujet polémique), sous prétexte de « diffusion de fausses nouvelles ». (Comme en France, le discours sur les fake news est toujours un prétexte à censure.) Au Burkina Faso depuis le coup d'État pro-russe, les acteurs de la donnée ouverte se taisent et ont arrêté leur activité qui, il est vrai, aboutissait parfois à montrer les défauts et les faiblesses de l'action publique (par exemple en publiant les points d'eau qui fonctionnaient, pas uniquement ceux qui existaient).
  • Une conférence portait sur les noms de domaine, partant d'une explication sur le fonctionnement de l'Internet et aboutissant au projet d'un bureau d'enregistrement coopératif (puisque tous les BE ouverts au public sont désormais des entreprises commerciales, qui ne correspondent pas forcément aux besoins des particuliers et associations ; et ce alors qu'il existe des FAI et des hébergeurs sans but lucratif). L'orateur rappelait par exemple que les registres ont des règles d'enregistrement, parfois différentes. Ainsi, .coop est réservé aux coopératives et aux organismes qui en font la promotion. Le BE est l'intermédiaire qui, par exempe pour un .fr, paie 5,07 € au registre (l'Afnic) chaque année par nom. Le futur bureau d'enregistrement nommé Le Bureau, devrait être sous forme d'une coopérative. (Pour l'instant, le projet semble largement porté par Hashbang.) Pour être BE de .coop, il faut l'accréditation ICANN (3500 $ + 4000/an, « cinq salariés à temps plein suffisent », dit l'ICANN), l'accréditation auprès du registre (qui n'est pas une copérative…) et un contrat avec l'OTR (l'opérateur technique du registre). C'est très lourd et, a priori, le futur BE commencera comme BE dans certains TLD, comme .fr mais sera sans doute au début simple revendeur d'un BE pour .coop, .com, etc. Notez que je ne suis pas d'accord avec certains points de la présentation, comme les pouvoirs excessifs prêtés à l'ICANN (« L'organisation qui a le plus de pouvoir sur l'Internet est l'ICANN » ou des phrases percutantes mais fausses comme « Si les États-Unis veulent couper une zone géographique d'Internet ils peuvent. »). Une beta privée du futur BE pourrait apparaitre à l'automne.
  • Une autre conférence venait des Restos du Cœur et détaillait leur infrastructure informatique pour gérer les applications métier comme le contenu des réfrigérateurs ou la flotte de véhicules. C'était assez stupéfiant car, avec six administrateurs système, tous bénévoles donc travaillant le soir ou le week-end, les Restos du Cœur ont une infrastructure matérielle et logicielle qui rendrait jalouses la grande majorité des entreprises spécialisées en informatique. On trouve dans les logiciels utilisés Ansible, Passbolt, Maas, Ceph, Ruddder, Unbound, PowerDNS, MariaDB, PostgreSQL, un bastion SSH, mais aussi OpenStack et Kubernetes. Cela donne quand même l'impression d'un excès d'ingéniérie. (Mais l'orateur estimait que cela correspondait aux besoins des Restos, qui ont des applications locales, et pour lesquelles il faut offrir un service « cloud ».) Le tout tourne sur du matériel donné aux Restos, pour des raisons financières, les services comme AWS ne sont pas trop utilisés. Une conférence très déroutante, qui a bien étonné les administrateurs système présents.
  • Alexis Kauffmann a énuméré les « 42 raisons de croire au logiciel libre » dans l'Éducation nationale française. Parmi les 41 (« la 42e va vous étonner »), le fait qu'il y a des libristes au ministère, des services comme Éducajou, des profs qui font des paquetages LaTeX, des profs de philo qui font du Markdown, Tchap, des belles paroles du ministère, Papillon, un concurrent libre de Pronote (qui les a menacé juridiquement), etc. Une coupure de courant a obligé l'orateur à continuer sans slides et sans micro. Une préparation au monde futur post-effondrement ?
  • Il y avait une conférence sur les outils libres pour les langues. Des langues, il y en a beaucoup, dans les 7 000 (ou à peu près, ça se discute), dans les 1 500 écrites (environ), et pour 50 écritures (tiens, j'aurais cru qu'il y en avait davantage). Il existe plusieurs efforts de classification comme celui de SIL, organisation missionnaire chrétienne qui catalogue les langues pour traduire la Bible (et qui gère Ethnologue), celui de Glottolog, etc. (Et j'ajoute le registre de langues IETF, normalisé dans le RFC 5646, qui est celui utilisé par HTTP et HTML. On peut aussi y accéder via mon site Web https://www.langtag.net/.) Il y a aussi les bases de données : Wiktionnaire, bien sûr mais aussi Yiotta, le Dictionnaire des francophones, ou bien Lingua Libre et Common Voice pour l'audio… Il y a aussi les outils plus techniques utilisés par les linguistes professionels comme FLEx (FieldWorks Language Explorer), qui sert à décrire une langue (« usine à gaz qui bouffe toute la mémoire » mais libre), ou ELAN, qui sert à annoter de l'audio et de la vidéo. Un article récent de LinuxFr discutait ces bases et ces outils.
  • Enfin, un atelier permettait de réfléchir à l'IA en jouant les rôles de personnes fanatiquement pour (« Oui, Laurent Alexandre est si inspirant »), plutôt pour, plutôt contre ou fanatiquement contre. Une expérience intéressante pour moi (mais trop courte).
  • Par contre, la conférence sur la situation en prison a été annulée. Dommage.

Ah, et j'ai découvert aux JDLL l'existence du syndicat de la cybersécurité.

Cette année, le lieu historique des JDLL n'a pas accueilli l'événement. Il a fallu trouver rapidement un lieu alternatif et les JDLL se sont tenues à l'ENS. Le parc intérieur est superbe, et entretenu par des animaux consciencieux, dont la position est même donnée sur OpenStreetMap, avec l'émoji qui va bien 🐑 dans la description : ens-mouton.jpg

Et bien sûr mille mercis aux nombreux·ses bénévoles qui ont travaillé pour cette édition des JDLL, très réussie comme d'habitude.

Autre(s) compte-rendu(s) des JDLL publié(s) :

Version PDF de cette page (mais vous pouvez aussi imprimer depuis votre navigateur, il y a une feuille de style prévue pour cela)

Source XML de cette page (cette page est distribuée sous les termes de la licence GFDL)