Première rédaction de cet article le 19 septembre 2020
On parle beaucoup, en ce moment, de la consommation électrique du secteur du numérique. C'est à juste titre, vu les dangers qui nous attendent. Malheureusement ces débats ne sont pas toujours appuyés sur des arguments solides. Pour discuter, il faut savoir, et pour savoir, il faut mesurer. Je présente donc ici l'usage d'un simple wattmètre pour mesurer la consommation électrique de ses appareils.
Quelques petits rappels simples, pour commencer. La consommation électrique instantanée (à un instant T), la puissance, se mesure en watts (notés W). La consommation sur une période donnée, l'énergie, se mesure en joules (notés J) mais, en pratique, on l'exprime plus souvent en kilowattheures (notés kWh). Un kWh vaut 3,6 MJ joules (millions de joules).
La consommation électrique d'un appareil est souvent écrite dessus, sur son alimentation électrique, ou dans sa fiche technique mais attention, c'est en général sa consommation maximale (en théorie).
L'appareil qui mesure cette consommation électrique est donc un wattmètre. Les wattmètres bas de gamme sont peu coûteux et disponibles facilement. J'ai utilisé le Chacon 54365 (disponible sur Amazon, et, si vous n'aimez pas Amazon, on peut trouver cet appareil sur le site du fabricant - je n'ai pas testé leurs livraisons -, ou dans d'autres boutiques comme Cdiscount). Il m'a coûté 19 € mais je vois que le prix a augmenté depuis. Il se branche dans une prise électrique, et on branche ensuite l'appareil ou l'ensemble d'appareils à mesurer dessus. Sur cette photo, le wattmètre est en haut, son écran à gauche : (Image agrandie.)
Pourquoi ai-je choisi ce modèle ? La principale raison est son écran séparé. Le wattmètre doit souvent être installé dans des endroits peu accessibles (derrière le frigo, par exemple) et un écran qui peut se placer loin de la prise est vraiment important. Second avantage : ce wattmètre ne dépend pas de piles (ce qui est apparemment le cas de certains modèles). Un tel engin bon marché est évidemment assez grossier, et il ne faut pas en attendre une parfaite précision. (Déjà, si on était sérieux, on l'étalonnerait avec un appareil de puissance connue.)
Autre considération méthodologique : si vous voulez vous faire une idée du coût énergétique de votre usage du numérique, attention, mesurer chez soi ne suffit pas. Si, comme la plupart des gens, votre usage du numérique fait un fort appel aux réseaux, plus spécialement à l'Internet, il faudra aussi tenir compte de la consommation de tout le matériel en dehors de chez vous. Sur la consommation énergétique de ce matériel, il est difficile d'obtenir des informations fiables et sourcées. Des chiffres sont parfois publiés mais leur crédibilité me semble faible. En attendant, mesurons ce qui est sous notre contrôle immédiat.
Commençons avec un engin simple, un PC. Le premier testé, tournant sous Windows, consomme environ 45 W. Cela passe à 52 si on allume l'imprimante/numériseur. Cette consommation dépend de l'activité du PC (les chiffres ici sont pour une machine au repos). Un PC portable, lui, prend 30 W quand son capot est fermé et qu'il se charge, 45 W quand il est allumé et jusqu'à 60 lorsqu'il travaille (affichage d'un film). On voit que, contrairement aux routeurs et serveurs de l'Internet, la consommation dépend de l'usage. (Mais pas du stockage et c'est pour cela que le conseil souvent lu « supprimez vos emails pour diminuer l'empreinte carbone » est absurde.) Un autre PC, tournant sous Debian (mais ce n'est pas le même matériel, donc une comparaison directe n'est pas possible) prend 72 W lorsqu'il est inactif, et 92 lorsqu'il travaille (mais cela tombe à 47 quand son écran se met en veille ; les écrans, ça consomme).
Un engin, très différent, un Raspberry Pi (modèle 1, donc très ancien), consomme, lui, moins de 3 W (mais il ne rend évidemment pas les mêmes services).
J'ai dit plus haut qu'il ne fallait pas regarder que la consommation des machines terminales mais aussi celle du reste de l'Internet. À la maison, je note qu'un adaptateur CPL et un commutateur Ethernet bas de gamme sifflent 8 W. Quant à l'armoire où se trouvent la box, le routeur Turris Omnia, le Raspberry Pi et la base DECT, elle prend 33 W. C'est moins que n'importe quel PC, mais ces équipements, eux, restent allumés bien plus longtemps donc l'énergie totale consommée peut être plus grande. (La box est une Freebox, la mesure a été faite avec le Server allumé et le Player éteint.)
En effet, rappelez-vous de la différence entre puissance (consommation instantanée) et énergie (consommation sur une certaine période). Un équipement qui consomme 3 W en permanence aura avalé 2,2 kWh en un mois alors qu'un équipement qui nécessite une puissance de 70 W mais qui n'est branché qu'une heure par jour avalera un peu moins (2,1 kWh) en un mois. Le wattmètre Chacon 54365 permet de mesurer l'énergie consommée mais c'est très limité : il accumule les mesures mais on ne peut pas lui demander « combien d'énergie depuis la dernière remise à zéro ? », juste la consommation énergétique de la dernière semaine, du dernier mois, et de la dernière année, ce qui manque de souplesse. (Le manuel en français est téléchargeable, si vous voulez essayer.)
Par exemple, pour mon poste de travail (un PC, un commutateur, les enceintes audio), après un mois de télétravail, j'ai consommé 14 kWh.
Revenons aux écrans. Si j'allume la deuxième boîte fournie par Free, le Freebox Player, et la télévision, avec son bel écran, cela fait 95 W de plus. La télé, ça consomme !
Et si on quitte le monde du numérique ? 10 W pour un halogène, 620 W pour l'aspirateur. Le nettoyage consomme mais rappelez-vous la différence entre puissance et énergie : on ne laisse pas l'aspirateur fonctionner pendant des heures. Plus difficile à mesurer, le réfrigérateur. Il fonctionne par cycles, gardant le froid grâce à son isolation entre deux périodes d'activité. Sa consommation est quasiment nulle la plupart du temps (mais elle passe à 13 W si j'ouvre la porte, ce qui allume la lumière) et est d'environ 92 W quand le moteur tourne. Le frigo est donc typiquement un appareil pour lequel il faut mieux faire des mesures sur une certaine période, pas des mesures instantanées (17 kWh en un mois, ce qui me semble beaucoup).
Quelles leçons en tirer ? D'abord, si vous êtes soucieux d'écologie, il est clairement intéressant d'éteindre les machines quand on peut. Comme on n'y pense pas toujours, les dispositifs qui le font automatiquement sont très utiles (on a vu qu'éteindre automatiquement l'écran inutilisé diminuait sérieusement la puissance requise). Ensuite, on note qu'il n'est pas forcément nécessaire d'utiliser des engins très consommateurs pour toutes les fonctions. Un simple Raspberry Pi ou équivalent, avec sa faible consommation, est recommandé s'il faut laisser une machine allumée en permanence (par exemple pour la supervision). Enfin, n'oubliez pas que la difficulté est de bien prendre en compte toutes les sources de « coût » écologique, pas uniquement celles qui sont bien visibles. Ainsi, dans le numérique, une source importante est la fabrication des machines. Il vaut souvent plus la peine de garder les machines longtemps, évitant leur remplacement, que de les éteindre un peu plus souvent. Le Raspberry Pi 1 cité plus haut fonctionne depuis 2012…
Et pour finir, si vous aimez les calculs et les détails, je vous recommande l'article de Pierre Beyssac.
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