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Une organisation hacker en France ?

Première rédaction de cet article le 4 octobre 2009


Un « Manifeste pour la création d'une organisation hacker » circule en ce moment (le site original - craqué ? - ne semble plus accessible mais on peut trouver des copies ici ou bien ). Comme son nom l'indique, il plaide pour la mise sur pied d'une organisation qui regrouperait les hackers, en citant des exemples comme le fameux Chaos Computer Club allemand.

Pour les lecteurs de ce blog qui ne seraient pas familiers avec le terme, il faut préciser que le Manifeste fait évidemment référence au sens premier du mot hacker : un passionné qui veut savoir comment ça marche, regarde à l'intérieur et ne se contente pas du mode d'emploi et des livres « Pour les nuls ». Ce genre de personnes est bien antérieure à l'invention de l'informatique (Galilée était un hacker). Ce n'est que bien après que des journalistes ignorants ont commencé à utiliser ce terme comme synonyme de délinquant informatique.

Seulement, c'est aussi sur ce point que le Manifeste a un gros manque : il transforme une méthode (être un hacker) en une idéologie (la liberté et la résistance aux oppresseurs). Il y a des gentils et des méchants chez les hackers, des gens qui utilisent leurs compétences pour aider l'humanité à progresser et des gens qui les utilisent pour se faire un maximum de fric et de gloire en écrasant les autres. Hacker n'est pas une opinion politique et ne peut pas servir à fonder une organisation politique ; c'est un état d'esprit, une technique de pensée, une compétence, c'est tout. Il y a des hackers dans les organisations liberticides, où leurs compétences servent à aider Big Brother. (Au passage, le Manifeste cite à ce sujet, Jean-Bernard Condat mais en lui prêtant des pouvoirs qu'il n'a probablement jamais eu : c'était davantage un habitué des médias, plutôt qu'un super-méchant au service des forces du mal.)

Objection, dirons certains, le Manifeste parle de « vrais » hackers, ceux qui partagent la connaissance et la diffusent à tous, ce qui est incompatible avec un travail pour la DST ou la NSA. Certes, mais, alors, pourquoi ce terme de hacker ? On pourrait aussi bien dire « partisan de la liberté de l'information et de la connaissance » et revenir à des classifications politiques traditionnelles... (Cela serait évidemment moins chic que de citer Hakim Bey... Allez, moi aussi, je vais faire du littéraire, « Le guerrier de la lumière partage avec les autres sa connaissance du chemin. Celui qui aide est toujours aidé ; et il a besoin d'enseigner ce qu'il a appris. » - Paulo Coelho, « Manuel du guerrier de la lumière »)

Cette distinction entre bons et méchants est essentielle, bien plus que celle entre les gens compétents et les autres (cf. la grotesque citation dans le Manifeste « Mon crime est de vous surpasser »). C'est la différence entre le voleur individuel, capitaliste parfait, pour qui seul compte le profit, et celui qui viole les lois dans l'intérêt général, pas pour son profit personnel. Si le partisan de l'Ordre les mettra tous les deux dans le même sac des « actions illégales », le Guerrier de la Lumière :-) fera la différence. Le Manifeste cite la loi Godfrain comme loi répressive, l'assimilant à des lois purement répressives comme Hadopi, alors que, s'il est vrai qu'elle interdit qu'on pénètre dans le système informatique d'une multinationale pour découvrir ses méfaits, elle empêche aussi le petit con qui se prend pour un hacker de jouer avec les machines de citoyens moins compétents que lui, mais qui ont tout autant droit à la tranquillité.

Le Manifeste contient aussi une erreur fréquente mais que je ne peux pas laisser passer : une peinture d'un « monde anglo-saxon » mythique où régnerait une liberté d'expression totale et sans limites (le Manifeste cite explicitement le droit à nier la Shoah). Il y a deux erreurs énormes ici : l'une est de voir le « monde anglo-saxon » comme un bloc homogène de défense de la liberté d'expression totale (alors que des pays comme l'Australie et la Grande-Bretagne sont très en pointe, parmi les démocraties, dans la censure d'Internet). L'autre est de croire sur parole à la légende comme quoi, aux États-Unis, la liberté d'expression serait totale. Essayez de porter un T-shirt « J'aime Fidel Castro » à Miami ou un badge « L'avortement est une liberté fondamentale pour les femmes » en Alabama et vous mesurerez physiquement les limites de la liberté d'expression...

Pour conclure positivement, j'encourage les hackers attachés à des valeurs comme la liberté d'expression, le droit à la connaissance, et la transparence, à rejoindre les organisations qui, aujourd'hui, et depuis des années, se battent pour ces causes :

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