Première rédaction de cet article le 14 septembre 2011
Dernière mise à jour le 1 janvier 2012
Pendant les discussions sur la mesure de la capacité (souvent improprement nommée « débit » ou « bande passante ») d'un accès à l'Internet (par exemple au sein du « groupe de travail multilatéral sur la qualité de service » de l'ARCEP, créé suite à la septième proposition de l'ARCEP sur la neutralité du réseau), un point qui revient souvent est celui de l'endroit où doit se terminer la mesure. Cet endroit doit-il être chez le FAI ou plus loin dans l'Internet ?
Le but est de vérifier les offres commerciales existantes. Si un FAI annonce sur des grands panneaux publicitaires un débit (sic) de 100 Mb/s, est-ce vrai ? Une étude de la FCC, aux États-Unis, « Measuring broadband America », semblait indiquer que non, que la capacité réelle était bien plus basse. Il est donc normal que les autorités de régulation veulent effectuer des mesures indépendantes de la capacité réellement vendue au client. A priori, le problème est simple. On met une sonde (matérielle ou logicielle) chez le client, une terminaison de mesure quelque part dans l'Internet (avec la plupart des logiciels cités plus loin, c'est le même programme qui tourne aux deux extrémités, ce qui permet de voir le lien des deux côtés) et on regarde (il existe plusieurs outils libres pour faire cette mesure, voir par exemple mon article sur le RFC 6349).
Mais la position de la terminaison est cruciale :
Le débat sur ce sujet est souvent confus. Certes, le problème est compliqué. Mais c'est aussi que certains acteurs n'ont pas intérêt à ce que des mesures sérieuses soient faites. Certaines critiques de telle ou telle méthode sont parfois inspirées par un souci de rigueur scientifique, mais on voit aussi des critiques visant à faire dérailler tout le processus, en gros pour dire « on ne peut pas faire de mesure parfaite alors n'en faisons pas, et faisons confiance aux publicités ».
Comment résoudre ce problème ? Je ne vois pas de solution parfaite. Le mieux serait sans doute de publier les deux indicateurs : « capacité réseau interne » et « capacité avec certains points externes ». Comme souvent en métrologie, on ne peut pas espérer s'en tirer avec un seul chiffre, même si c'est ce que les publicitaires préféreraient.
Après la parution initiale de cet article, plusieurs personnes ont fait des remarques, nuançant tel ou tel point. Merci sur Twitter à lucasdicioccio, AlexArchambault, Grunt_ et bitonio. Les points à compléter :
Pour une définition plus rigoureuse de la notion de capacité, et pour une explication de ses différences avec la bande passante, on peut consulter le RFC 5136. Quant au débit, il représente l'utilisation effective du réseau, la capacité étant son potentiel maximum. Un bon article scientifique sur ce problème de mesure de la capacité fournie par le FAI est « Broadband Internet Performance: A View From the Gateway ». Suite à mon article, Éric Daspet a écrit « Où doit-on mesurer la capacité réseau », qui revient notamment en détail sur la responsabilité du FAI dans les connexions extérieures (par une bonne politique de peering, etc). Enfin, un autre débat qui a eu lieu dans le même groupe de travail ARCEP est également discuté sur mon blog, dans « Que doit-on mesurer, la QoS ou la QoE ? ».
La consultation publique lancée par l'ARCEP fin 2011 utilise une autre terminologie (voir notamment la question n° 19). La machine visée par la mesure est nommée mire et le projet soumis à consultation a trois sortes de mires, mire proches (situées dans un endroit bien connecté à beaucoup de FAI), mires lointaines (Yaoundé...) et mires commerciales (gros services très populaires comme YouTube). On notera qu'il n'existe pas de mires internes, situées sur le réseau du FAI.
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