Première rédaction de cet article le 8 juin 2021
Aujourd'hui, entre 1015 et 1110 UTC, le CDN Fastly était en panne, provoquant des dysfonctionnements divers sur quelques sites Web connus. Je ne sais pas ce qui s'est passé, donc je ne vais pas vous l'expliquer mais je voudrais revenir sur la façon dont cet incident a été présenté dans les médias.
Car les titres sensationnalistes n'ont pas manqué, annonçant une panne massive du Web, voire de tout l'Internet ou au moins d'une grande partie. Des gens ont ricané en reprenant la légende comme quoi l'Internet avait été conçu pour résister à une attaque nucléaire ou déploré que l'Internet soit trop centralisé, ce qu'il n'est justement pas. La tonalité générale dans les médias était qu'il s'agissait d'une panne majeure de ce réseau informatique dont tant de choses dépendent. La réalité est très différente : l'Internet a très bien tenu, l'écrasante majorité des sites Web marchaient, quelques gros sites Web commerciaux avaient une drôle d'allure. Voici par exemple celui du Monde :
L'Internet est le réseau informatique sous-jacent à toutes nos activités en ligne. Si des pannes partielles et localisées l'affectent souvent, il n'a jamais connu de panne généralisée, ou visible à l'échelle mondiale. Pendant l'incident avec Fastly, le courrier électronique passait comme d'habitude, les nœuds Bitcoin se tenaient au courant des transactions financières, les téléchargements BitTorrent se poursuivaient, les informaticiens se connectaient en SSH, les gens continuaient à bavarder sur Signal ou Matrix, et les utilisateurs de Gemini regardaient du contenu en ligne.
Et le Web ? Si l'Internet est l'infrastructure sous-jacente, le Web est l'application la plus connue, et même la seule connue de la plupart des gens qui ont le monopole de l'accès aux médias officiels. En tout cas, le Web marchait comme d'habitude. Des millions de sites Web (comme celui que vous visitez en ce moment) n'ont eu aucun problème. Une infime minorité, ceux qui avaient du contenu sur le CDN Fastly était, soit inaccessible, soit affichait une apparence curieuse car, si le code HTML était bien chargé par le navigateur, les feuilles de style ou le JavaScript ne suivaient pas. C'est pour cela que la page d'accueil de GitHub était bizarre :
D'accord, ces gros sites Web commerciaux étaient souvent des sites visibles et connus. Mais même comme cela, Fastly n'est pas le seul fournisseur de CDN et beaucoup d'autres sites continuaient à fonctionner. Il faut arrêter cette présentation erronée comme quoi une poignée de sites Web connus sont « l'Internet » comme cela a souvent été dit.
Des gens ont reproché à ces sites de n'avoir pas de redondance, de dépendre entièrement d'un seul CDN. Mais c'est un détail. Le point important est que les pannes arrivent. On ne peut pas les empêcher toutes. Ce qu'il faut, c'est éviter qu'elles aient des conséquences trop étendues. Il ne faut pas se poser la question de la robustesse de GitHub, il faut au contraire faire en sorte que toute l'activité de programmation mondiale ne cesse pas quand GitHub est en panne. Il faut des milliers de GitLab ou de Gitea, un système réellement décentralisé, où il n'y aura aucun site qui concentrera toute une activité.
Le lendemain, Fastly a publié une explication (sommaire) sur la panne. Notons qu'en attendant cette explication, les médias n'ont pas hésité à avancer des théories fumeuses comme France Inter qui a mis en cause « les serveurs DNS » alors qu'il n'y avait jamais eu aucune indication en ce sens.
Pour se détendre, Natouille avait lancé sur le fédivers (tiens, encore un système décentralisé et qui n'a donc pas eu de problème global) le mot-croisillon « #ExpliqueLaPanneInternet ». Vous pouvez consulter les très amusantes « explications » de la panne sur n'importe quelle instance du fédivers.
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