Première rédaction de cet article le 18 octobre 2009
Aujourd'hui, la plupart des gérants de sites Web veulent attirer du trafic par n'importe quel moyen. Ils paient très chers des rebouteux (pardon, des consultants) en SEO qui leur promettent une « optimisation du référencement ». Ils ne se demandant pas si leur site est intéressant ou utile, uniquement comment avoir davantage de visiteurs. Donc, logiquement, ils devraient chercher à tout prix à avoir des liens entrants, des liens hypertexte qui pointent vers leur site ? Eh bien non, beaucoup de gros sites Web interdisent explicitement qu'on mette des liens vers eux...
Thierry Stœhr, auteur de l'excellent blog Formats Ouverts, a commencé une liste de tels sites (elle est actualisée régulièrement sur identi.ca, sous l'étiquette #pdlsa, « Pas De Lien Sans Autorisation »). La liste est étonnament longue, et regroupe des sites Web d'origines très variées, grosses entreprises capitalistes, syndicats, ONG, services publics, etc.
Qu'est-ce qui leur a pris ? Pourquoi ces webmestres ne veulent-ils pas de liens entrants, alors que, par exemple, le nombre de ces liens est un des principaux critères utilisés par Google pour déterminer la popularité d'un site ? Ils sont devenus fous ?
Difficile d'obtenir des gérants de ces sites la moindre explication. Il semble que la motivation la plus fréquente (mais on ne la met jamais par écrit, par peur du ridicule) soit juridique. Le raisonnement est le suivant : comme, de nos jours, on peut être trainé en justice pour absolument n'importe quoi, surtout si ça a un rapport avec l'Internet, la possibilité d'une procédure judiciaire pour un lien entrant n'est pas nulle. Un groupe néo-nazi fait un lien vers vous et paf, vous pouvez être accusé de complicité. Bien sûr, c'est absurde, bien sûr, il n'y a pratiquement aucune chance d'être condamné mais, pour pas mal d'organisations, qui pilotent leur site Web l'œil fixé sur le trouillomètre, il vaut mieux surréagir et stériliser le Web, plutôt que de courir le moindre risque.
Si, en outre, vous demandez un avis juridique à des professionnels, vous êtes pratiquement sûrs d'obtenir une réponse du type « Il y a un risque, il vaut mieux interdire » (car, en effet, toute activité présente un risque). Le risque de procès est tel désormais que l'avis du juriste passera toujours devant celui du responsable de la communication, qui voudrait bien avoir davantage de liens. La mention « Pas De Lien Sans Autorisation » reflète donc, pour un site Web, l'importance relative donnée aux critères juridiques par rapport au but normal d'un site Web : être lu et connu.
Si vous travaillez dans un organisme qui met de telles mentions anti-Web sur son site, vous pouvez toujours essayer l'argumentaire « Votre site Web demande une autorisation pour faire un lien vers lui : les 10 questions à vous poser » ou bien le texte de synthèse « Texte destiné aux Services juridique, marketing, commercial (ou autres) et la Direction de votre site Web ». Il n'est pas sûr que cela marche, car l'argument « C'est pour des raisons juridiques » (jamais explicitées) est en général définitif et indiscutable.
Inutile de dire que les liens entrants vers ce site http://www.bortzmeyer.org/
sont les bienvenus et que je donne
d'avance mon autorisation enthousiaste !
Quelques articles sur la campagne qui a suivi l'étude de Thierry Stœhr :
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