Première rédaction de cet article le 30 juin 2009
Le DNS est souvent présenté comme utile, car permettant d'utiliser des identificateurs « conviviaux » (les noms de domaine) plutôt que des suites de chiffres (les adresses IP). Cette explication n'est pas fausse mais elle est très incomplète.
On trouve une justification du DNS analogue à celle-ci en beaucoup
d'endroits. L'article de
Wikipédia dit « Il n'est pas évident pour un humain de
retenir ce numéro lorsque l'on désire accéder à un ordinateur
d'Internet. C'est pourquoi un mécanisme a été mis en place pour
permettre d'associer à une adresse IP un nom intelligible, humainement
plus simple à retenir, appelé nom de domaine. ». Sur le site de l'AFNIC, on
trouve « Sans le DNS, il faudrait mémoriser l'adresse d'un site ou une
adresse électronique sous la forme de l'adresse IP du domaine (qui est
une suite de chiffres. Exemple :
mon-correspondant@[192.134.4.35]) ! ». Et, en anglais, on voit sur le
site de
l'ICANN « Because IP addresses (which are strings of
numbers) are hard to remember, the DNS allows a familiar string of
letters (the "domain name") to be used instead. So rather than typing
"192.0.34.163," you can type "www.icann.org." ». Mais ce
n'est pas parce que tout le monde répète quelque chose que c'est
complètement vrai. D'abord, le fait que des identificateurs composés
uniquement de chiffres soient moins pratiques n'est pas si évident que
cela. Ainsi, les numéros de téléphone restent
largement utilisés et n'ont (malheureusement) pas été remplacés par
les URL SIP
comme sip:helpdesk@voip.apnic.net
. (Curiosité : il existe
même une proposition de remplacer les noms de domaine par des numéros
de téléphone, ENUM.)
Personnellement, je pense que les noms de domaine sont plus simples, car plus mémorisables et plus porteurs d'identité mais, manifestement, tout le monde n'est pas d'accord, sinon les numéros de téléphone auraient disparu depuis longtemps (supprimant également le problème de la portabilité).
Les noms « conviviaux » ont un autre problème : comme ils ont une
sémantique, ils font l'objet de conflits. Tout le monde veut
sex.com
et la
multinationale Kraft Foods peut empêcher Mme
Milka de garder son nom de domaine s'il
correspond à une marque déposée de ladite multinationale.
Néanmoins, le DNS est le système d'identificateur le plus fréquent
sur l'Internet. Quasiment toutes les
transactions sur le réseau passent par lui, et le trafic sur les
serveurs de noms ne cesse pas d'augmenter. C'est parce que les noms de
domaine fournissent un service bien plus utile que la « convivialité »
des noms : ils fournissent de la stabilité. La
plupart des sites Internet reçoivent des adresses IP liées au
fournisseur d'accès ou à un
hébergeur. Ce sont des adresses
PA, dont il faut changer si on change de
prestataire. Si je fait de la publicité pour mon blog en annonçant
http://208.75.84.80/
, son adresse IP actuelle,
ce n'est pas seulement « moins joli » et « moins mémorisable » que
http://www.bortzmeyer.org/
, c'est surtout moins
stable. L'adresse IP 208.75.84.80
est liée à l'hébergeur
actuel, Slicehost, et devra
changer si je passe à un autre hébergeur comme
OVH. Et je devrais prévenir tous mes lecteurs,
faire corriger tous les articles qui parlaient de ce blog, demander à
Google de changer l'URL
(tout en gardant mon PageRank), etc.
Bien sûr, il existe des adresses IP indépendantes du fournisseur, les adresses PI. Mais elles ne sont pas forcément faciles à obtenir et, surtout, elles ne résolvent pas complètement la question de la stabilité. Si deux services sont sur la même machine, et ont donc la même adresse IP, et que j'en déménage un seul, il devra bien changer d'adresse, même si l'ancienne et la nouvelle étaient indépendantes du prestataire. En application du principe « Cool URIs don't change », les noms de domaine permettent la permanence des identificateurs.
Et ne parlons même pas de la transition d'adresses IPv4 aux adresses IPv6. Sans l'intermédiaire des noms de domaine, cette transition serait encore plus pénible qu'elle ne l'est.
(Certaines personnes relativisent l'importance de la stabilité des URL en affirmant que les moteurs de recherche permettent de toute façon de retrouver la page Web. D'abord, les noms de domaine ne servent pas qu'au Web. Ensuite, le moteur de recherche ne permet justement aucune stabilité : un jour, taper « hôtel luchon » dans Google mènera à l'hôtel Majestic, un jour à un autre hôtel...)
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