Première rédaction de cet article le 1 avril 2006
Dernière mise à jour le 2 avril 2006
Le tagging, le marquage de ressources par les utilisateurs, sans schéma de nommage et sans thesaurus standard est un des concepts qui a récemment enrichi l'Internet en permettant de créer des services d'accès à l'information, alimentés et classés par leurs utilisateurs.
Traditionnellement, pour s'y retrouver dans une vaste quantité d'informations (par exemple un ensemble de signets ou bien une immense galerie de photos), on confiait à un petit groupe de professionnels de la documentation la tâche d'établir un thesaurus, une liste de mots-clés, et un groupe plus vaste (mais quand même fermé, n'incluant pas la totalité des utilisateurs) était chargé d'appliquer ces mots-clés à chaque ressource, travail très long.
Ce travail peut typiquement être parallélisé et c'est là qu'Internet est une innovation fantastique. On peut désormais enrôler des milliers de bénévoles pour faire le marquage des ressources.
Mais le tagging moderne va plus loin : il n'y a plus de thesaurus, la liste des mots-clés n'est plus figée, elle est établie par les utilisateurs, de manière décentralisée. Je peux taguer une ressource avec le mot-clé foobar ? Je n'ai pas à demander d'autorisation, je le fais. Cela donne ce qu'on nomme la folksonomie, la classification par le peuple, pour le peuple.
Cette idée de tagging est tellement à la mode
(tout le monde s'en réclame désormais) qu'elle a même donné lieu à un
pastiche, http://www.tagtagger.com/
.
Les deux sites à folksonomie les plus connus sont del.icio.us et Flickr.
del.icio.us est un site qui ne contient pas d'informations, uniquement
des signets. Chacun enregistre les signets de
son choix (vous pouvez voir les miens en http://del.icio.us/bortzmeyer
). Et chacun peut marquer ses
signets avec des tags. On peut ensuite consulter
del.icio.us par utilisateur (comme le lien précedent) ou par
tag (par exemple, pour voir les liens sur
Xen, on peut regarder http://del.icio.us/tag/Xen
. Et il existe de nombreuses autres
possibilités (pas toujours bien documentées).
Flickr, quant à lui, contient de l'information en quantité, c'est
devenu le principal outil de publication de photos. Toute
manifestation contre le CPE est immédiatement
suivie d'une publication sur Flickr de toutes les photos prises par
les nombreux appareils numériques présents. Ces photos peuvent ensuite
être taguées et cherchées par
tag, par exemple http://www.flickr.com/photos/tags/Sarlat
si je cherche des
photos de Sarlat dans le
Périgord, ou par utilisateur ou par une
combinaison des deux.
Comme avec tous les systèmes où les utilisateurs peuvent non
seulement accéder à l'information mais peuvent participer à sa
création, les sceptiques se demandent si cela va vraiment
marcher. Comment gérera t-on les synonymes (le tiers des photos d'un
numbat taguées avec
"numbat", un autre tiers avec "fourmilier"
et le dernier tiers avec "myrmécobie"), par exemple ? Ce qui est
curieux, et montre la nécessité d'essayer avant de prédire "ça ne
marchera pas" est que, en pratique, la plupart des folksonomies
tendent à s'uniformiser. Les logiciels aident à cette uniformisation
en proposant des tags, par exemple si j'enregistre
dans del.icio.us le site http://www.bravepatrie.com/
, del.icio.us me
propose le tag "humour" (car c'est le tag le plus souvent utilisé par les autres qui ont tagué ce site) qui est tout à fait
adapté.
Ce mécanisme d'interaction entre utilisateurs (parfois appelé un peu pompeusement "La sagesse des foules") a été bien décrit dans l'article Folksonomies ; Tidying up Tags? du magazine D-lib.
Un avertissement au passage : vous ne verrez pas de photos de moi sur Flickr car je préfère les mettre sur Wikimedia Commons où ne se trouvent que des photos libres (celles de Flickr ont des licences très variées et je ne vois pas de moyen de chercher par licence, pour pouvoir les réutiliser).
Autre avertissement : tout lien que vous mettez sur del.icio.us enrichit une base de données que Yahoo a racheté très cher. Comme le souligne Paul Graham, autrefois, l'informatique était dominée par le hardware lock-in : les fabricants de matériel contrôlaient le jeu. Après, on est passé au software lock-in. Les éditeurs de logiciels commandaient. Désormais, on est au data lock-in : toutes tes données appartiennent à Google ou Yahoo.
Comme le tag peut être apposé par un autre que
l'auteur, il fournit une base à des systèmes d'accréditation
non-hiérarchiques, en réseau. Par exemple, si j'apprécie les
tags de l'utilisateur "nwsmith" sur del.icio.us, je peux
regarder tout ce qu'il a tagué en http://del.icio.us/nwsmith
et le prendre ainsi pour
guide. (Au fait, mes liens à moi sont en http://del.icio.us/bortzmeyer
.) Chacun peut ainsi être accréditateur et recommander des
sites. Un tel mécanisme avait déjà été proposé pour
le projet Interpedia en 1993 (les tags se nommaient seals of approval) et pourrait fournir une
base de solution très intéressante au problème récurrent de la
validation des données dans une encyclopédie ouverte comme Wikipédia. Au lieu de vouloir interdire les
articles supposés "de mauvaise qualité" (ce qui est très subjectif et
entrainerait des disputes sans fin), on
taguerait les bons articles et on permettrait une
navigation par tag.
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