Première rédaction de cet article le 2 janvier 2009
Le système d'exploitation Ubuntu est souvent présenté comme la solution idéale pour mettre sur le bureau de l'utilisateur ordinaire, non technicien. Fondé sur essentiellement du logiciel libre, Ubuntu bénéficie d'un marketing très dynamique, à base de photos d'utilisateurs multiraciaux et souriants. La promesse : qu'Ubuntu, contrairement aux autres Unix, est utilisable par tous. Quelle est la réalité ?
Ce n'est pas parce qu'on répète quelque chose que c'est
vrai. Pourtant, dans le marketing de l'informatique, c'est une méthode
très fréquente. « Ubuntu, c'est convivial » ou bien « Avec Ubuntu,
Unix est aussi facile qu'avec le système XXXXX » sont des phrases
répétées tellement souvent qu'on finit par y croire. Je gère donc
plusieurs machines Ubuntu, destinées à des utilisateurs exigeants mais
pas du tout techniciens (voir des descriptions plus techniques en
dell-latitude-d430-linux.html
, dell-inspiron-7500.html
et packard-bell-mx37.html
).
Et que constater ? D'abord, l'administration système n'est pas du « tout cuit ». Bien qu'Ubuntu cède partiellement aux pressions de l'industrie du matériel et accepte d'incorporer des pilotes non libres dans son système, le matériel ne fonctionne pas forcément du premier coup. Obtenir des meilleurs résultats nécessite des manipulations qui ne sont certes pas à la portée de l'utilisateur ordinaire comme de compiler une version plus récente du pilote. La lecture de forums comme la liste de diffusion des utilisateurs francophones d'Ubuntu montre bien que ce problème est fréquent. Il est récurrent avec tous les Unix libres et n'est souvent pas de la responsabilité des programmeurs Unix, mais de celle des fabricants de matériel. Néanmoins, nier ou minimiser ce problème, comme le font trop souvent les promoteurs du logiciel libre est contre-productif. L'utilisateur naïf qui a pris ce discours au pied de la lettre risque, de dépit, de s'enfuir bien vite au premier problème.
Mais il y a pire : les problèmes ne s'arrangent pas forcément avec le temps. Parfois, une mise à jour du système résout soudain un problème matériel qui trainait depuis des mois. Parfois, au contraire, il y a régression (en passant de Ubuntu Heron à Ubuntu Ibex, la fonction de mise en hibernation de mon Dell D430 marche moins bien).
Ces problèmes, je le sais bien, sont largement dus à l'attitude de l'industrie du matériel, qui refuse de publier des documentations correctes, réservant les informations à ceux qui écrivent des pilots pour Windows. Les autres Unix libres ne font pas forcément mieux qu'Ubuntu sur ce point et ils sont parfois bien plus complexes.
Mais il existe aussi des
problèmes purement logiciels. L'environnement graphique par défaut
d'Ubuntu, Gnome, vise explicitement à copier
MS-Windows. Comme son modèle, la priorité est
aux gadgets qui brillent et pas à la stabilité et à la
fiabilité. Certaines bogues indiquent un mépris de la robustesse qui
est assez étonnant. Ainsi, les nombreuses
bogues de gnome-appearance-properties, le programme lancé
lorsqu'on clique sur Système -> Préférences -> Apparence montrent une
absence totale de contrôle
qualité. gnome-appearance-properties
fait des
erreurs de segmentation dès
qu'il rencontre un petit problème, sans qu'aucun message d'erreur ne
signale rien.
Une bogue que j'ai rencontrée personnellement (et qui est
enregistrée sous le numéro
312931) est particulièrement « réussie » : si un fichier avec
une extension .jpg
(normalement une image JPEG)
contient en fait un autre format, le programme crashe sans aucun message d'erreur. Le programmeur n'a
pas eu l'idée qu'un fichier pouvait ne pas être au bon format !
Produire un message « Fichier invalide ou inconnu » avec le nom du
fichier n'aurait-il pas été la moindre des choses ? Ce genre de
programmation, dite « défensive » est pourtant enseigné dans les écoles
depuis de nombreuses années.
Pour contourner cette bogue particulière et permettre de lancer le
programme, il a fallu trouver son nom (Système -> Préférences -> Menu
principal puis Choix de la catégorie (par exemple Accessoires) puis
Clic droit sur le nom de l'application (par exemple Calculatrice) puis
Clic sur Propriétés, le champ commande contient... ce nom, merci à
Bernardo pour la méthode, que je ne trouvais nulle part). Ensuite, il
faut faire tourner le programme sous strace pour afficher
les appels systèmes effectués. On voit alors
qu'immédiatement avec le SIGSEGV
, il ouvrait un
fichier, fichier qu'il suffit ensuite de supprimer pour que
gnome-appearance-properties
fonctionne à nouveau.
Une autre solution aurait été de faire tourner le programme sous un débogueur comme gdb. Dans les deux cas, on ne peut pas dire que cela soit accessible à l'utilisateur typique.
Je suis politiquement attaché au logiciel libre et je suis bien conscient que MS-Windows est lui aussi très loin d'être facile et sans douleur pour l'utilisateur non informaticien. Mais j'aimerais des fois que le marketing du logiciel libre soit un peu moins optimiste et un peu plus réaliste.
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