Première rédaction de cet article le 14 juin 2011
Comme l'ont déjà vu les lecteurs de ce blog, j'admire la variété des langues humaines et le nombre de moyens différents de s'exprimer. Certaines personnes trouvent sans doute que cette variété est encore insuffisante, ou bien ils ne peuvent pas résister au désir de l'effort intellectuel de création d'une nouvelle langue, et cela forme une langue construite comme le wardwesân, objet et outil de ce roman.
Car l'auteur, Frédéric Werst, a fait fort : il a créé une langue, le wardwesân, lui a donné évidemment grammaire et vocabulaire, puis a imaginé de lui donner une culture : celle du peuple Ward, dont le roman fournit l'histoire, la poésie, les sciences politiques, la religion et la philosophie. Et tous ces textes sont en wardwesân (avec, je vous rassure, la traduction en français à côté, mais l'auteur dit qu'il a écrit en wardwesân et traduit ensuite en français).
C'est évidemment un exploit extraordinaire, d'autant plus que l'auteur a intégré plusieurs niveaux de langue, des dialectes régionaux, et même une évolution. (Sur les langues construites, je recommande l'excellent livre d'Arika Okrent.)
Pour arriver à lire ces textes, la tâche est facilitée par le fait que les Wards utilisent l'alphabet latin ou, plus exactement, que l'auteur n'a pas poussé le travail jusqu'à leur inventer une écriture... Une grammaire est fournie mais le wardwesân rassemble bien des particularités qui ne rendent pas l'apprentissage immédiat. J'ai bien aimé le temps « gnomique » des verbes (qui sert à exprimer une vérité générale et n'indique donc pas de personne), l'absence de verbe « être » ou les « sept clés » (comme « ab », ci-dessous).
On trouve quelques articles sur le wardwesân en ligne comme :
Faisons un petit essai de traduction (très sommaire) avec un récit mythologique, « Be Weris wern », p. 98 (la rose de Weris), texte qui fait l'éloge du multilinguisme. On y trouve la phrase « Jānz aen arzigh zaeph an kell ab zemph altōn ar permenta zēs an merwan jaba zamō karamagan altōn ar mena thōon bard na zaren ek zarnen xevaeth zantanōn. ». Voyons par étapes :
On arrive donc à :
Ce que l'auteur traduit, bien plus joliment, dans cette belle conclusion : « Alors il fit de chaque pétale une langue pour ses adorateurs, afin que ceux-ci chantent sans fin les louanges du Ciel en diverses langues et diverses couleurs. »
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