Première rédaction de cet article le 29 août 2009
Un interview récent de John Doyle, « When the Internet breaks, who ya gonna call? », montre que le mème « l'Internet est vraiment trop nul, il faut le refaire complètement en partant de zéro » se porte toujours aussi bien (voir aussi mes articles sur John Day et sur Sciences & Vie). (Un exemple d'article Web en français sur le même sujet, sensationnaliste, bourré d'erreurs et souvent ridicule est « Histoire d'Internet : l'espoir - épisode 3 ».) Pourtant, aucun progrès n'a été effectué en ce sens et cela ne changera probablement pas tant que les « reparteurs à zéro » ne traiteront pas leurs trois faiblesses.
D'abord, il y a une faiblesse de positionnement. Dans le monde réel, on n'a pas souvent le luxe de repartir de zéro. D'énormes investissements ont été faits, des millions de gens ont été formés, personne ne va jeter tout cela uniquement parce que Doyle dit dans un interview qu'il faut arrêter de mettre des rustines et qu'il faut repartir de zéro. Faire un réseau informatique meilleur, en partant de zéro, est de la recherche fondamentale, avec peu de perspectives de déploiement. C'est une activité noble et utile mais qui, dans un pays où lire la Princesse de Clèves est considéré inutile, ne rapporte rien. Alors, les promoteurs du redépart à zéro prétendent que leur activité pourrait avoir des applications concrètes, ce qui est franchement malhonnête.
Ensuite, ce n'est pas tout de critiquer, il faut proposer. Les reparteurs à zéro sont intarissables sur les défauts de l'Internet et complètement muets sur leur futur réseau « bien meilleur ». Ils ne citent de ce futur réseau que des vagues promesses (« sécurisé », « rapide », « fiable »), jamais de principes architecturaux concrets, encore moins de descriptions techniques, de prototypes, etc. Ils font penser à un apprenti médecin qui, notant avec gourmandise et un grand luxe de détails les nombreuses et sérieuses limites de la médecine moderne, proposerait de refaire la médecine en partant de zéro, sans expliquer le moins du monde pourquoi il fera mieux.
Mais la troisième faiblesse est la plus sérieuse : le cahier des charges. Quels sont les principes qu'ils veulent mettre en œuvre ? Actuellement, l'Internet permet à n'importe quelle entreprise ou association de fournir des services, que ce soit de connectivité ou de contenu. La plupart des reparteurs de zéro sont des nostalgiques de la téléphonie ou de la télévision d'autrefois, où ces possibilités étaient réservées à un petit cartel. Dans un tel contexte, résoudre certains problèmes, par exemple de sécurité, est relativement facile. Mais cela supprimerait complètement l'intérêt de l'Internet. Dans le fond, ce qu'ils reprochent à ce réseau, n'est-ce pas simplement qu'il est trop ouvert et trop libre pour eux ?
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